Au moment de refermer "Les trois lumières", de Claire Keegan, j'ai réalisé que j'avais suivi la voix d'une narratrice dont je ne connaissais ni le nom ni l'âge, ni les détails de son existence précédant les événements relatés dans ce roman si court qu'il pourrait passer pour une nouvelle.
J'ai réalisé aussi que cette ignorance n'avait aucune importance...
Dès les premiers mots, le lecteur comprend de toutes façons que l'héroïne qui s'exprime est une enfant. Le récit débute au moment où son père la confie à un couple d'amis, pour une durée indéterminée.
Nous sommes au cœur de la campagne irlandaise, où les conditions de vie sont rudes, voire misérables. La mère de la petite est à la fin d'une énième grossesse, elle a besoin de repos, et une bouche de moins à nourrir, ne serait-ce que temporairement, représente une amélioration bienvenue du quotidien.
Avec sa simplicité d'enfant, et l'humilité de ceux qui ont l'habitude de compter comme quantité négligeable, celle que ses hôtes ont surnommée Pétale décrit cette autre vie qu'elle va connaître le temps de quelques semaines au cours desquelles elle expérimente le fait inédit d'être le centre de l'attention, d'être écoutée, choyée, considérée comme unique.
Dans ce foyer où elle est la seule enfant, elle apprend aussi que la proximité avec les adultes vous rapprochent de leurs secrets, vous fait entrevoir leur part d'ombre, de mélancolie...
Claire Keegan nous livre une courte tranche de vie dont elle parvient à extraire, avec une touchante sobriété, l'essentiel : la douleur derrière les silences, les petits riens qui parfois suffisent à nourrir le bonheur, et la richesse que peuvent procurer certaines rencontres.
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