Un livre un peu particulier construit avec d'un côté " le roman, " avec six chapitres aux titres variés , ( le premier ; la vie des rats - et le dernier la guerre en ce jardin sanglant). l’histoire de Victorien Salagnon, peintre et vétéran des guerres coloniales françaises, formé aux armes pendant la Seconde guerre mondiale puis passé par l’Indochine et l’Algérie. De l’autre, les " commentaires " du narrateur, jeune lyonnais, qui vit enfermé sous les toits. Il regarde à la télévision les images de la guerre du Golfe. Le récit se situe en 1991. Il rend visite à Salagnon, qui lui apprend l'art de manier le pinceau avec de l'encre de Chine. Entre ces deux êtres , se noue une relation étrange ; celle de la transmission du savoir – l'art de peindre – et de l'expérience – celle des conflits coloniaux.
Un roman tout en longueur, parfois pesant, mais où il y a nombreuses réfèrences aux récits fondateure, ( Homère) et aussi des allusions à ce qui a été l'oeuvre de De Gaulle. Il propose un récapitulatif de cet " art français de la guerre" de 1943 à aujourd'hui en s'attaquant à certaines valeurs: le fascisme, l'intégration. Tous les mots appellent à la réflexion. L’amour du verbe chez l’auteur est aussi fort que l’amour du pinceau et de l’encre de Chine chez le héros Salagnon. Nous sommes donc invités à un tango de la mort entre ces deux voix qui rêvent toutes deux de plus d’humanité. Certes Salagon a les mains couvertes de sang mais son pinceau de martre trace l’indicible. Apprendre son art à ce jeune désœuvré vivant de certificats médicaux qu’est le narrateur, sera sa rédemption.
Le narrateur s'interroge aussi sur l'armée, du maintien de l'ordre dans un pays non en guerre, mais où règne" la guerre" dans les banlieues.
Les minorités sont-elles considérées comme des citoyens à part entière ou comme des sujets? C’est là où l’histoire de la guerre devient actualité brûlante.
Voici ,un roman riche en interrogations!!
Quelques extraits :
" Dans le dessin , les traits les plus importants sont ceux que l'on ne fait pas . Ils laissent le vide , et seul le vide laisse la place : le vide permet la circulation du regard , et ainsi de la pensée ."
" - Mais vous, qu'est-ce que vous faîtes là ?
- Auprès de vous ? Je prends de vos nouvelles. Je vous aime bien, jeune Salagnon.
- Je veux dire en Indochine.
- Je me bats comme vous.
- Vous êtes allemand.
- Et alors ? Vous n'êtes pas plus indochinois que je ne le suis, que je sache. Vous faîtes la guerre. Je fais la guerre. Peut-on faire autre chose une fois que l'on a appris ça? Comment pourrais-je vivre en paix maintenant, et avec qui ? En Allemagne, tous les gens que je connaissais sont morts en une seule nuit. "
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Ce livre avait été choisi pour le comité de lectures, avant qu'il n'obtienne le prix Goncourt.
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