Miklus, vieux tsigane rongé par le remord de n'avoir pas parlé de son vivant, se retrouve au purgatoire et de là, va livrer une longue confidence à un journaliste venu recueillir des témoignages, 20 ans après la chute du Mur de Berlin. Mais c'est d'un autre mur que va nous entretenir Miklus, moins palpable certes mais néanmoins aussi aliénant, un mur fait de silences. A travers le destin de 2 femmes, Chnepki et sa fille Maruska, c'est un portrait des Roms qui se dessine, depuis la guerre jusqu'à nos jours, où finalement, rien n'a vraiment changé. Dès le départ, nous sommes prévenus : l'histoire finira mal. Or, si l'oppression vient de l'extérieur (insultes, outrages), ce qui fera le malheur de la communauté, c'est que les Roms ne parlent pas, ils taisent la mémoire ; enfouissant les souvenirs au plus profond d'eux-même ils pensent ainsi, les dominer or c'est l'inverse qui se produit : le poids des non-dits pèse sur les générations suivantes de façon inexorable et les enchaîne au malheur.
Voici un texte douloureux et pourtant beau, très éloigné du folklore tsigane ancré dans notre inconscient de gadgé. Le ton est tour à tour âpre, cynique (personne n'est épargné) et poétique, avec de très beaux passages sur la musique notamment. Laurence Vilaine nous donne à voir la grandeur d'un peuple, sa fierté et ses failles. Un texte précieux, à l'heure où les Roms, inlassablement, sont délogés.
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