Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Ce roman m'a paru extrêmement long et ennuyeux, je n'ai pas du tout apprécié le procédé de narration ni le style : avant, pendant et après le drame, on se promène, sans transition, du cerveau d'un protagoniste dans un autre, les phrases sont extrêmement longues, les idées hachées.
Ce style était sans doute adapté à la confusion dans la tribune où s'est déroulé le drame et il est vrai qu'à ce moment l'émotion passe, les souffrances et le désespoir, l'incompréhension de cette jeune mariée qui perd son Francesco, rythmés par le refrain "Cours, Tana, cours" sont poignants. Mais c'est une infime partie du livre !
J'espérais une analyse des différents facteurs qui ont conduits au drame, des mécanismes qui ont poussés les hooligans à ce carnage, mais non, juste une description de ce que six personnages ont peut-être pensé.

Dans la foule
Les Editions de Minuit

D'abord, dès les premières pages, il y a l'écriture, oui, qui surprend. Hachée, parlée, mais fluide et très minutieuse, très avide de détails. Duras, dis tu, Coline? Moi, j'ai pensé à Céline.
Mais aussi le thème abordé. Parce que d'emblée, c'est comme dans un policier, on sait que ça va mal finir. Qu'il y a au moins un des personnages de ce roman choral , un de ceux qui se présentent eux-même dès le début du livre ,qui va finir comme sur les images que personne ne peut oublier, écrasé par la foule sous l'assaut des supporters anglais, le corps piétiné et les poumons explosés.
Alors lequel , ou lesquels? Il y a les Belges, Gabriel et Virginie, si heureux d'avoir récupéré des billets et qui se les font voler par les deux compères pas bien méchants Tonino l'Italien et Jeff, l'orphelin de père. Il y a le couple italien en voyage de noce Tana et Francesco, qui ne sont pas passés par l'église pour se marier, et est ce que la mère de Francesco dira que c'est une punition divine, quand elle apprendra la mort du fils ? Cours, Tana, cours, ce seront ses dernières paroles...
Et puis il y a les frères de Liverpool, ils sont trois. Deux boeufs, et puis le jeune, qui ne voulait pas venir, mais le père y tenait, qui ne voulait pas courir, et qui l'a fait quand même, qui voudrait bien haïr ses frères, mais qui les aime quand même.

D'emblée, on panique. On attend le désastre. Et c'est dans les longs monologues intérieurs de chacun de ces personnages que l'on assiste au chaos, aux cris et à la fuite, puis à la solitude et au deuil.
C'est bouleversant.

Un petit extrait:

Mes parents seront l'un et l'autre comme des enfants qui ne comprennent pas les rites et les conversations d'un groupe d'adolescents, ou, plutôt comme des vieux un peu pantelants et tremblants, tout gringalets, sur des chaises en rotin qui craquent autant que leurs os ou les idées qu'ils se font pour soutenir un monde qu'ils ne comprennent plus. Et moi, je les regarderai avec ce sentiment de partager avec eux la désolation d'une époque qui s'enorgueillit de sa bêtise et de son sens du spectacle. J'aurai la calme commisération qu'éprouve vis à vis de la faiblesse celui qui voit les rouages entraîner dans leurs mouvements des gens qui ne peuvent ou ne savent pas lutter, des gens nus comme des papillons qu'on épingle sur un tableau au-dessus d'un nom savant qu'ils ne servent qu'à illustrer, eux, avec leur coeur de chair et de sang, tout leur corps, de leurs yeux mouillés à leurs mains crispées, et les mines effarées derrière lesquelles ils rabâchent quelques idées pour se bricoler une vie....

Nanou et Lirolette ont bien parlé du livre et je suis bien d’accord.
Que pourrai-je ajouter ?
J’ai aimé ce livre, vous l’avez compris.
C’est un livre dont on ne sort pas indemne.
Laurent Mauvignier, un auteur que je viens de découvrir et que j’ai vraiment envie de mieux connaître.
Vient de se poser sur ma pile de livres à lire « Apprendre à finir », et il y en aura d’autres…

Beau roman grave à l'athmosphère et au ton très juste. On ressent une véritable empathie pour les personnages décrits de l'intérieur. dans leurs doutes et leur fragilité.

Très beau livre choral aux 4 voix des personnages qui se sont retrouvés pris dans cette soirée sidérante du 29 mai 1985, de finale de coupe d’Europe de football opposant l’équipe de Liverpool à la Juventus au stade du Heysel à Bruxelles.
4 voix de :
- Jeff, un jeune français ami fidèle d’un italien Tonino, 2 copains habitués de petits larcins et de virées infernales, ils voleront la veille du match les billets à un jeune couple de belges ; Gabriel et Virginie,
- Gabriel, jeune diplômé qui recherche Jeff et Tonino à l’extérieur du stade, pour récupérer ses billets et en découdre avec ses 2 voleurs à la petite semaine auxquels trop vite il avait accordé sa confiance,
- Geoff de Liverpool, venu avec ses 2 frères aînés et qui compte sur ce voyage pour ce rapprocher d’eux bien qu’il réprouve leur violence,
- la belle Tana, venue d’Italie voir le match avec son jeune mari Francisco pour débuter leur voyage de noces.
Ces personnages seront happés dans ce mouvement de foule survenu lorsqu’une centaine d’anglais au comportement d’hooligans (« les animaux ») envahiront violemment la tribune des italiens créant une panique mortelle pour 39 supporters dont 34 italiens.
Victime ou coupable (et d’avoir fait quoi exactement ?) Tana, Tonino, Geoff ressortiront traumatisés, marqués pour longtemps par cette soirée apocalyptique, cette « déflagration ».
Ils incarnent un caractère distinctif : amitié, amour, violence, douleur, bonheur et beauté.
Roman très bien écrit, certes peu réjouissant, mais Mauvignier décrit avec beaucoup d’acuité la folie des hommes, les traumatismes des survivants d’une tragédie : les sentiments de culpabilité, de déconsidération de soi, de rage au cœur et fait réfléchir à partir de cet événement tragique sur les questions ; comment vivre le deuil, le pardon , quelle violence dans notre monde ?
Prix du roman Fnac 2006 qui aurait bien mérité le Goncourt !