Elle est longue, la liste des écrivains qu'il me reste à découvrir (au point que je me désespère parfois à l'idée qu'une vie ne sera jamais suffisante !), et, chaque semaine, elle s'allonge encore, au rythme des billets alléchants que vous publiez les uns et les autres...
L'avantage, avec certains auteurs, c'est que la brièveté de leurs romans permet d'en lire plusieurs d'affilée...
C'est le cas de Patrick Modiano, dont on m'a récemment prêté le dernier roman -"L'horizon"-, suite à la lecture duquel j'en ai profité pour alourdir ma PAL de deux autres titres de cet auteur prolifique (il en a écrit au total une trentaine, je suis donc finalement loin, avec mes trois misérables ouvrages, de pouvoir prétendre le "connaître") : "Dora Bruder" et "Rue des boutiques obscures". Je n'ai pas encore lu ce dernier, mais après une première expérience relativement concluante avec les deux autres titres cités, cela ne saurait tarder.
Dans "L'horizon", un homme, Jean Bosmans, se souvient de sa relation, quarante ans auparavant, avec Margaret Le Coz, une jeune femme rencontrée lors d'une bousculade dans le métro. Ils avaient alors tout juste vingt ans, jeunes gens discrets qui ont uni, le temps d'une brève tranche de vie, leurs solitudes.
Au fil d'un récit constitué d'épisodes de cette relation que Bosmans se remémore de manière chronologiquement fantaisiste, au gré de ses associations d'idées, le lecteur a le sentiment qu'il tente à toutes forces d'abolir la frontière temporelle qui le sépare de ce passé.
A sa suite, nous déambulons dans Paris sans trop comprendre où nous mène cette quête, ni ce qu'il recherche précisément. La douce nostalgie d'une atmosphère passée ? Cette sensation de vivre dans un "présent éternel" qui caractérisait ces jeunes années ?
D'autant que l'on a du mal à appréhender la raison pour laquelle cette période de sa vie l'obsède : rien dans les descriptions qu'il nous en livre ne semble assez extraordinaire pour que, quarante ans plus tard, il cherche à exhumer de sa mémoire les moindres bribes de son histoire avec Margaret.
N'a t'il donc rien vécu depuis ?
On finit par se dire que Jean Bosmans est davantage obsédé par la disparition de ces souvenirs que par les souvenirs eux-mêmes, que ce qui le trouble, c'est la difficulté qu'il éprouve à reconstituer fidèlement le puzzle de ces moments, et le ressenti chaotique, discontinu, qu'il en conserve avec le recul.
Il cherche à se persuader que les lieux -en l'occurrence les rues de Paris, qu'il parcourt inlassablement- gardent l'empreinte des événements qui s'y sont déroulés, des paroles qui y ont été prononcées, comme si d'imaginer que tout ce qui y a été vécu se dissipe dans le néant lui soit insupportable.
Le charme qui vous atteint à la lecture de "L'horizon" est presque impalpable, à l'image de ces réminiscences floues qu'évoque le narrateur. Sous la mélancolie qui émane du récit, on sent poindre un sentiment de perte poignant, mais aussi, finalement, une optimiste volonté de le dépasser pour pouvoir sereinement aborder le futur, se tourner vers "L'horizon"...
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