D'un côté, nous avons l'inspecteur Miller. Un flic ni pire ni meilleur qu'un autre, dont la vie privée est un désert de solitude. De récents déboires professionnels (il a descendu un proxénète lors d'une enquête, dans des circonstances qui ont motivé l'intervention de la police des polices) l'ont désavantageusement mis en avant sur la scène médiatique.
La vision du monde de l'inspecteur Miller est sensiblement la même que celle de milliers d'autres individus, si l'on excepte le fait que sa profession le met en contact avec la noirceur du monde plus souvent qu'à son tour. Comme tout un chacun, il sait bien que la corruption, l'abus de pouvoir, la raison d'état, sévissent sans doute à tous les niveaux de la société, mais dans l'ensemble, il est bien intégré dans le système. Il fait de son mieux pour remplir ses obligations professionnelles et rester en accord avec les valeurs inculquées par le milieu dans lequel il évolue.
De l'autre côté, un monde opaque, parallèle, dont la plupart d'entre nous n'imagine même pas l'étendue et la puissance.
Un monde où la vie de quelques milliers d'hommes, de femmes ou d'enfants ne fait pas le poids face aux intérêts de ceux qui, forts de l'hégémonie et de l'impunité que leur confère leur statut de citoyens de puissances démocratiques et civilisées, détiennent le pouvoir.
Un monde où des armées de l'ombre font et défont des gouvernements, peu importe les dommages collatéraux, pour permettre à ces mêmes citoyens, sous de fumeux prétextes idéologiques, d'étendre et de maintenir leur emprise.
A l'occasion de l'enquête sur le meurtre de plusieurs femmes, battues à mort puis étranglées -a priori l’œuvre d'un serial killer-, ces deux visions du monde vont se côtoyer, brièvement se rencontrer, sans jamais vraiment se comprendre.
Par le truchement d'une double narration, nous suivons en alternance la progression des investigations menées par Miller et ses acolytes, et la confession d'un homme soi-disant prénommé John, qui se présente comme le meurtrier de la dernière victime en date.
L'enquête, qui tourne en rond et ne mène qu'à des impasses, est très éprouvante. Le lecteur, quant à lui, grâce aux déclarations de John, a toujours une longueur d'avance sur les enquêteurs, et mesure ainsi le fossé qui les sépare d'une vérité qu'ils sont à mille lieux de concevoir.
Cette double narration instille un suspense efficace, qui fait passer les quelques longueurs et digressions inutiles dont souffre parfois le récit.
Pour résumer, "Les anonymes" est un polar à la mécanique bien huilée qui permet de passer un bon moment de lecture.
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