Sam Fahey traque une meute de chiens errants, trois bâtards de pitbulls et un border collie, à la frontière américano-mexicaine, dans un no man’s land qui aurait dû être un paradis écologique mais qui se trouve rongé par les multiples pollutions émanant d’usines hautement toxiques. Les chiens sauvages finissent de liquider les derniers oiseaux migrateurs dont l’espèce se trouve menacée d’extinction, tel le pluvier neigeux d’occident ou le râle au pied léger. Mandaté par le service américain des eaux et forêts, Fahey a besoin de l’argent de cette chasse. Pourtant, il n’est guère d’aplomb après avoir absorbé des drogues frelatées. En dépit de sa ligne de conduite intérieure qui consiste à ne s’occuper que de ses propres affaires, il s’intéresse malgré lui à l’errance d’une clandestine perdue dans les dunes. A bout de force, fortement commotionnée, couverte d’ecchymoses, Magdalena fuit la mort à ses trousses. Sam la recueille, assuré de s’être fourré dans de sales draps. Bien avant d’avoir lâché prise, Sam La Mouette Fahey a surfé la Mountain Peak, vague mythique hautement dangereuse. Jadis, il s’est fait une renommée malheureusement vite étiolée par une chienne de vie carnassière. Attrapé pour trafic de stupéfiants, il a tâté de la prison mexicaine et d’autres sales histoires ont fini par le terrasser presque totalement. Malgré tout, il s’est accroché à la terre et à son lopin légué par un père pourtant infect. Il est vermiculteur et s’occupe d’élever des lombrics pour la pêche. Il pourrait peut-être relever la tête, réussir son entreprise mais Magdalena apporte la damnation avec elle. Armando Santoya, un psychopathe retors, l’a prise pour cible. Sam Fahey va devoir retrouver des réflexes et l’envie d’en découdre s’il veut sauver sa peau, celle de la jeune et belle Mexicaine et surtout connaître la rédemption. Une effroyable lâcheté commise dans une situation extrême il y a longtemps le hante encore aujourd’hui.
D’abord économe de ses effets, le dernier roman de Kem Nunn finit par installer un climat détonant. Sam Fahey, loser patenté, impose une présence inoubliable. L’ancien surfeur exceptionnel a connu la chute mais sa renaissance advient alors que la vie n’a fait que se détériorer à l’image d’une nature corrodée par des pollutions hautement toxiques, des rejets nécrosants aboutissant directement dans la mer. L’amour pour Magdalena révèle ses trésors de courage et d’intelligence, de dévouement et d’abnégation enfouis sous le cambouis des jours. Plausible à tout instant, « Tijuana Straits » saisit le lecteur par la teneur même de son propos. L’éphémère beauté des surfeurs, leur panache, leur geste est ici conté en filigrane et la mélancolie est inévitable : « […] tout ce qui voudrait que votre vie soit comme ci ou comme ça, tout ce qui limite et formate l’expérience humaine mais tout ça file et vous, vous continuez à surfer, vous continuez à exploiter cette source d’énergie parce que c’est ça le but, ça l’a toujours été et ça le sera toujours, vivre l’instant présent… ».
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