Afin de prévenir les éventuelles critiques de ceux qui auraient jugé ce journal censément écrit par une femme de chambre peu crédible d'un point de vue stylistique, Octave Mirbeau a mis en place une parade efficace : il prétend, en préambule à son roman, que son auteure elle-même l'a prié d'y apporter corrections et modifications.
Il déplore ce faisant la perte d'une partie de la spontanéité, du charme et du mordant de la soi-disante version originale !
N'ayez crainte : "Le journal d'une femme de chambre" n'en reste pas moins un récit fort réjouissant, dont l'humour caustique et la plume acérée permettent au lecteur de passer un merveilleux moment.
Lorsqu'elle débute ce journal, Célestine vient d'être engagée dans un petit château normand, dont la renommée locale n'occulte ni sa décrépitude, ni la réputation désastreuse des maîtres des lieux, les Lanlaire, héritiers d'une fortune dont la provenance est sujette à suspicion...
Monsieur est de plus connu pour avoir engrossé une bonne proportion de la jeune population féminine du village, dont les habitants, avisés de l'abstinence que lui fait subir Madame, sont malgré tout enclins à l'indulgence.
Cette lecture m'a véritablement enchanté !
J'ai particulièrement apprécié le personnage de Célestine -la fameuse femme de chambre-, qui sait jouer d'une fausse ingénuité pour souligner les travers de ses maîtres, fait preuve d'une grande clairvoyance quant à la nature des individus, et sait aussi se faire manipulatrice, jouant de ce que les autres attendent d'elle pour parvenir à ses fins.
Sa perspicacité, alliée à l'expérience acquise au sein de maisons très différentes les unes des autres, lui permettent, pour notre plus grand bonheur, de brosser de ses employeurs successifs des portraits drôles, acides, et très imagés.
Il faut dire que la "bonne société" auprès de laquelle sert Célestine se prête à l'absence de concession de son regard, et à la perfidie de ses réflexions...
En contact direct avec l'intimité de ses bourgeoises de patronnes, elle est un témoin privilégié de leurs petites manies, leur hypocrisie, leur perversion, leur avarice...
L'écriture est un régal, les scènes dépeintes souvent très cocasses...
En bref, ce "Journal d'une femme de chambre" est un roman à (re)découvrir !
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