Souvent il est difficile donner voix à une tragédie. Il arrive qu'elle coupe le souffle, qu’elle enlève l'espoir et la lucidité de raconter, de faire vivre ce que les gens oublient, ou mieux veulent oublier.
Dix ans sont passés depuis le largage de la bombe sur Hiroshima, mais qu'est-ce qu’au fond dix ans ? Ca semble beaucoup, mais en réalité ce n’est rien, on se trouve dans les limbes où on pense que la vie continue, où on cherche à oublier, mais dans chaque chose le drame remonte à la mémoire; c’est ainsi que Minami vit, avec le souvenir permanent, avec le remords constant, comme si elle n'avait plus réussi à avancer depuis ce jour, même si, au fond, elle cherche à donner un sens aux plus petites choses qui lui arrivent.
J'ai dit d'abord que je pense qu’il soit difficile de donner voix à une tragédie, mais il est selon moi encore plus difficile de le faire de manière correcte. Dans cette BD, vous ne trouverez pas la destruction, l'action ou la documentation du désastre, comme si la protagoniste la vivait dans cet instant précis. Non, la chose est beaucoup plus étudiée, plus délicate, mais au final plus touchante.
L’atmosphère semble presque sereine, l'auteur nous la fait même percevoir et surtout grâce aux dessins, on respire presque l'air d’Hiroshima. Il n’est pas besoin de l'image d'un mort ou d'une bombe pour lancer le message, qui arrive droit et rapide comme une flèche au coeur du lecteur ; il suffit d’un mot, d’un dialogue, d’un entretien, d’un silence.
C’est émouvant, et même s’il y a bien peu de regards tristes dans ce travail, on est complètement absorbé par la tristesse de l'évènement, par le coeur des personnages et par le sens qu'on veut donner à la vie.
Peu importe le nombre de soirées sans vent qui passeront encore, cette histoire ne finira jamais. On le lit en peu de temps mais il nous laisse beaucoup plus que ce qu’on aurait pensé de pouvoir recevoir.
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