La question humaine
Editions Stock
"Dans une sombre époque, l'oeil commence à voir"
Theodore Roethke
Le livre commence ainsi:
Récit
J'ai été pendant sept ans employé d'une multinationale que je désignerai sous le nom de SC Farb. Cette entreprise, d'origine allemande, détenait une importante filiale dans une ville houillère du nord-est de la France. J'y avais qualité de psychologue, affecté au département dit des ressources humaines. Mon travail était de deux ordres: sélection du personnel et animation de séminaires destinés aux cadres de la firme. Je ne crois pas utile de m'étendre sur la nature de ces séminaires, ils étaient inspirés par cette nouvelle culture d'entreprise qui place la motivation des employés au coeur du dispositif de production. Les méthodes y usaient indifféremment du jeu de rôles, des acquis de la dynamique de groupe, voire d'anciennes techniques orientales où il s'agissait de pousser les hommes à dépasser leurs limites personnelles. Les métaphores guerrières y prenaient une grande part, nous vivions par définition dans un environnement hostile et j'avais pour tâche de réveiller chez les participants cette agressivité naturelle qui pût les rendre plus engagés, plus efficaces et donc, à terme, plus productifs.J'ai vu dans ces séminaires des hommes d'âge mûr pleurer comme des gamins, j'ai oeuvré à ce qu'ils relèvent la tête et repartent à l'exercice, avec dans leurs yeux cette lueur de fausse victoire qui ressemble, je le sais maintenant, à la pire des détresses. J'ai assisté sans sourciller à des déballages brutaux, à des accès de violence folle.
Il était dans mon rôle de canaliser ceux-ci vers le seul objectif qui m'était assigné: faire de ces cadres des soldats, des chevaliers d'entreprise, des subalternes compétitifs, afin que cette filiale de la SC Farb pût redevenir l'entreprise florissante qu'elle avait été autrefois.
Donc ce psychologue, Simon, nous fait le récit, sur un ton froid et monocorde ,de ce qu'il a vécu. La direction lui a confié une enquête: prouver que l'état mental de son directeur général Mathias Just est perturbé. Réglement de compte manifeste ... Au cours de cette enquête , Simon va retrouver des lettres anonymes adressées à Mathias Just dans le but de le détruire, de le rendre fou. Il en recevra d'ailleurs bientôt lui-même.
Et ces lettres, en rapport avec le passé des personnages, et de la firme dans laquelle ils sont employés, vont éclairer ( ou plutôt assombrir encore plus...) ce roman d'un jour nouveau, celui de l'extermination nazie.
C'est un roman très bref,très dense, dont on ne ressort pas intact.
Surtout en ayant à l'esprit l'augmentation très nette des suicides au travail..Il peut sembler toutefois très exagéré de faire un parallèle entre les conditions de travail dans certaines entreprises et l'holocauste.....
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