Cet essai est brillant et dynamique. Paul Veyne met en scène un personnage historique méconnu - injustement selon l'auteur.
Il s'agit de l'empereur Constantin qui, en 312, décide , après un rêve,de rejoindre la secte chrétienne sans qu'aucune nécessité ne l'oblige.
Une volonté de donner une âme - forcément chrétienne, donc monothéiste - à la société , sans pour cela utiliser la contrainte contre une société païenne à 90%.
Quelques dizaines d'années, disons un centaine, suffiront à asseoir le christianisme. Et à en faire la nouvelle religion. Là est l'incroyable, et pourtant véridique histoire d'une secte qui prend le pouvoir religieux sans aucune résistance, ou presque.

Paul Veyne n'hésite pas à faire des comparaisons avec des évènements d'autres siècles, comme l'avènement en 1917 de la révolution russe mis en orchestre par Lénine, Trotski.
C'est parfois surprenant, cependant, pourquoi pas si cela aide à la compréhension.

D'abord, je distinguerai deux parties dans ce livre :
- une première où Veyne fait l'oeuvre à proprement parler d'un historien, en remarquant les faits et en les éclairant de ses connaissances (ainsi que de ses présupposés). Cette partie est intéressante, malgré de nombreuses redites. Pour ma part, je ne considère pas que Constantin ait été une chance pour le christianisme, parce que je ne regarde pas le christianisme - ou l'Eglise - comme étant ou devant être une puissance. Mais lui, en tant qu'historien, ne voit pas autre chose, et parle donc d'une "chance". Soit, c'est son avis et ça n'enlève rien à la qualité de son travail.
- une deuxième où il quitte son rôle d'historien pour prendre celui de penseur-philosophe, ou je-ne-sais-quoi qui s'autorise à dire ce qu'il pense sans avoir indiqué qu'il quittait son rôle d'historien. Et là, je trouve que ça dérape. Il traite de 3 sujets qu'il ne maîtrise pas :
1/"l'idéologie existe-t-elle?", où il tente de démontrer que l'idéologie de toute façon n'existe pas en tant que telle, et que de toute façon elle ne convainc que ceux qui sont déjà convaincus
2/ "l'Europe a-t-elle des racines chrétiennes?", où il tente de démontrer que non (et là, pour le coup, je suis d'accord, mais ce n'est pas en tant qu'historien de sa spécialité qu'il peut le dire : il s'agit là de ses convictions personnelles)
3/ L'évolution de la religion juive dans le monde antique : du polythéisme au monothéisme, en passant par la monolâtrie... Partie où il n'est pas du tout spécialiste, et où il n'a qu'une compréhension partielle des éléments qu'il cite, en faisant référence, évidemment, à des théories qui ont la vie dure malgré les réfutations... Bref, encore un évolutionniste de la pensée.

Le tout forme un livre intéressant, qui m'a permis d'aborder - pour une fois - Constantin sous un angle positif (bien que je le considère toujours comme négatif) et de voir les apports de son action dans l'Empire. De là à le recommander, il y a de la marge.

Paul Veyne dans un style un peu "relaché", nous explique l'importance de la décision de l'empereur Constantin d'embrasser le Christiannisme. Plus qu'une adhésion commandée par l'intêret, c'est certainement une croyance sincère qui motiva son choix .
Dés son accession au pouvoir la promulgation de l'édit de Milan instaura la liberté du culte pour les chrétiens (dont les persécutions avaient déjà bien diminuées). S'il favorisa l'Eglise,Constantin fut aussi le premier à s'immiscer dans ses affaires internes puisqu'il fut le commanditaire du Concile de Nicée qui condamna l'hérésie arrienne.
A la fin de son règne les intêrets croisés du pouvoir impérial et de la hierarchie religieuse auguraient déjà des futures relations qu'entretiendront ces deux pouvoirs pendant 1600 ans.

Livre très intéressant, notamment pour y suivre le cheminement d'une pensée sans complaisance ni facilités. "Ne soyons pas dupes des tremes généraux, ces vêtements trop amples de la pensée", dit l'auteur (p.253).
Sur plusieurs thèmatiques, ce livre apportent un éclairage :
- l'antisémitisme chrétien (pp. 23, 159 [note2] et 214 sqq. notamment);
- la non-violence (pp. 9, 16, 113sq., 117, 125, 167sqq. et 212sqq.);
- la tolérance alliée à l'"exclusivisme" (pp.138, 154, 188et 252), mais la ségrégation (p.183);
- l'égalité entre tous les hommes chez Lactance (p.254sq.).
Globalement le projet de l'auteur est de mettre à jour l'"originalité" du christianisme - ce qui l'autorise à montrer comment il est éclos sans avoir été "historiquement préparé au sein du paganisme, même oriental"(p.176, note1).