Ah, quel plaisir! Je vous le dit tout net et sans ambages, j'ai adoré ce roman! Je n'en suis d'ailleurs pas surprise : un bon gros pavé historique, qui nous plonge au coeur d'une époque, et ce avec esprit.
Françoise Chandernagor a accompli un remarquable travail de documentation et, bien qu'elle ait écrit ici un roman, elle dit n'avoir que très peu inventé : une grande partie de son livre vient tout droit des propres écrits de Madame de Maintenon.
On lit donc ici les "Mémoires" de Françoise d'Aubigné, qui a eu un destin franchement hors du commun. Elle raconte sa vie entière, de sa prime enfance à ses derniers jours, et tout est absolument fascinant.
Lorsqu'il fait sa connaissance, le poète Scarron, qui deviendra son premier époux, s'étonne qu'une jeune fille (elle a alors 14 ou 15 ans), élevée à la campagne puis au couvent, puisse avoir autant d'esprit, un tel sens de la répartie et une telle réflexion. Et on le comprend, moi aussi j'ai été frappée par sa personnalité, si forte, si distanciée! Elle a vraiment de l'esprit, et pourtant elle a un fort sens moral ; avec une telle intelligence, elle aurait pu être bien plus intriguante.
Je l'ai souvent plainte, parce qu'elle est finalement presque toujours sous la coupe de quelqu'un, que ce soit les bonnes soeurs dans son enfance ou bien le Roi dans sa vieillesse, elle qui a pourtant l'esprit si libre... Au sens où elle fait ses propres choix, où elle se forge ses propres opinions, et non pas au sens de libertinage... Parce que, même si elle n'a rien de la veuve austère qu'on imagine souvent, celle qui deviendra la marquise de Maintenon n'a rien d'une écervelée dévergondée. Et puis, quelle classe, prendre le coeur du Roi Soleil, connu pour ses nombreuses aventures, et ce à presque 40 ans, et pour tout le reste de leur vie...
Deux petits extraits, tirés du début du roman, pour éviter de trop vous gâcher le plaisir de les découvrir vous-mêmes :
Au sujet des perroquets : "j'avoue que la faveur de ces bêtes, du temps de leur plus grande mode, n'a pas laissé de me surprendre ; ayant jugé leur conversation un peu courte quand je n'étais qu'un enfant de douze ans, je n'ai jamais pu concevoir que leur entretien pût suffire à des marquises de quarante ; mais on dit que ce qui se ressemble s'assemble et je ne suis qu'à demi étonnée que quelques-unes de ces dames aient reconnu là leur vraie famille".
"La connaissance, fût-elle celle du vice, est toujours préférable à l'ignorance, quand même celle-ci serait un effet de la pureté".
Cette femme a vraiment eu un destin et un esprit hors du commun, et elle mérite le remarquable roman que Françoise Chandernagor lui a consacré. Outre qu'il m'a réellement passionnée, ce livre est remarquablement bien écrit, et m'a fait passer un excellent moment de lecture, tel que je n'en ai que rarement.
Un gros coup de coeur pour moi!
|