cf. note de lecture sur mon blog.

« L’an 58 de notre ère », Lucius Murena rencontre son ami légionnaire Vespanus à la porte Tiburtina. Un homme crucifié implore qu’on lui donne à boire. Murena paie le soldat de garde afin qu’il accède à sa supplique. Le moribond balbutie un remerciement et meurt sitôt après. L’apôtre Pierre a pu assister au geste charitable de Murena. Cependant, Vespanus montre tout son dédain envers Pierre : « Poussiéreux, puant et présomptueux. Tous les hommes de ton peuple te ressemblent ? ». Le garde ricane face au geste dérisoire de Lucius : « Il est mort. Tu vois tout ça ne servait à rien ! » Plongée, contre-plongée, tout est dit en deux images muettes. La foi a un prix. Elle irradie les hommes de cette époque. Elle est habilement introduite ici. Ensuite, le lecteur est rapidement amené au cœur de l’intrigue avec les coups bas au palais de Néron. Agrippine, sa mère, cherche à le séduire dans toute la splendide nudité de ses quarante-trois ans alors que Néron n’a que vingt et un ans à ce moment. Le fils n’est pas dupe de l’ambition de sa mère. Qui va l’emporter ? Agrippine ne semble pas connaître de limite mais Néron a le nez fin. Il va commencer par s’attaquer au puissant garde du corps de sa mère, Draxius, au moment où celle-ci le titille à travers un jeu érotique pervers. Les combats de gladiateurs s’ensuivent et l’assise du pouvoir se joue dans ces instants cruels de doute et de déroute.
Ce 4e volume clôt en beauté le 1er cycle de la série Murena intitulé Le cycle de la mère. Le cycle de l’épouse prévu aussi en quatre tomes prendra ensuite le relais. Le scénario bien documenté, la mise en scène dynamique et cinématographique, le dessin précis et expressif, les couleurs aériennes au service du graphisme et de l’histoire, tout concourt à redonner habilement vie à l’histoire de la Rome antique et à « cette humanité affolée si semblable à la nôtre » comme l’écrit fort justement en préface l’historien anglais Michael Green.

Autour de la star, Agrippine, gravitent les autres personnages, peut-être un peu relégués au second plan. Claude, l'empereur, est, aussi historiquement, un faible, bégayant, nommé empereur des prétoriens seulement parce qu’il fut le dernier survivant de sa famille qui survécut au massacre en se cachant. Mais le fait de lier son destin à Agrippine marqua sa fin…
Comme il est attendrissant, le pauvre Britannicus, l'épileptique, l’héritier légitime tombé dans les filets d'un sort cruel, insoutenable pour son jeune âge. Les causes de sa mort n’ont pas été éclaircies, la BD laisse planer le doute : un empoisonnement ou une mort naturelle ?
Intéressant la figure de Lucius Ahenobarbus Néro, adopté par Claude grâce aux manoeuvres d'Agrippine, qui voulut faire oublier l’origine de son nom, en faveur de celui plus important de Tiberius Claudius Néro. Nous assistons à son évolution, à l’ombre de sa mère, jusqu'à sa rébellion définitive et à la création de deux factions opposées à la cour.
Dans les cinq premières années de son empire, il fut fort populaire : dans la BD, nous n'avons pas beaucoup de rappels de son intérêt pour la poésie, à contrario il apparaît curieusement attiré par les flammes…
Lucius Murena ne bénéficie pas d’un grand approfondissement psychologique, il recherche les coupables de l'assassinat de sa mère et il est pris dans l'action : Pétrone lui fait fonction de réplique, inséré surtout pour en rapporter quelques citations.
Pallas, l’affranchi d'Agrippine, montre combien il est facile tomber des étoiles au plancher des vaches.
L’esclave Acté, l’aimée de Néron, joue un rôle important, alors que Poppée qui est seulement à ces débuts, dévoile déjà une dose considérable d’absence de préjugés.
Les deux gladiateurs, Draxio et Balba, font de simples apparitions, dotés de peu d'initiative personnelle, ils n’apportent qu’un peu de spectacle dans l'histoire.