J'ai tenté une nouvelle fois de lire ce célèbre roman de Conrad, la première tentative datant d'une quarantaine d'années. Mais cette deuxième tentative s'est également soldée par un échec, j'ai lâché ce livre à peu près au moment où Jim abandonne son bateau sur le point de sombrer en s'installant (presque malgré lui si on veut bien porter foi à son récit, ou plutôt à celui du narrateur) dans la chaloupe avec le reste de l'équipage. J'ai cru à deux ou trois reprises déceler quelques phrases qui me donnaient un peu d'espoir que cette histoire allait bien finir par m'intéresser, que ma curiosité pour la vie de ce Lord Jim allait finir par être éveillée, mais arrivé au tiers du roman, j'ai jugé que la pêche était bien maigre et je suis rentré au port. J'ai comme un doute sur ce magnifique banc de dorades dont on m'avait parlé et qui pouvait surgir au détour d'une page. Peut-être que, dans quarante ans, je reprendrai la mer au large de la péninsule arabique dans l'espoir que ce Lord Jim m'indique le lieu de cette pêche miraculeuse à laquelle, ce soir, je ne crois plus.

Pas forcément très accrocheur au départ, ce récit d'une vie tourmentée par un instant de défaillance est sublime. D'une très belle écriture, on est peu à peu pris au piège, on se laisse porter par le récit, en symbiose avec le narrateur, transporté par son humanité discrète, sa parfaite compréhension du personnage si atypique et si attachant dans sa droiture naïve. C'est une étude de caractère magnifiquement bien menée. J'ai pensé en le lisant au très beau roman d'Emily Bronté "Les hauts de Hurlevent". Le personnage principal, quoique bien différent dans les deux récits, possède cette puissance, va jusqu'au bout de ses convictions et le lecteur est happé par son parcours et plein de compassion.

J'avais lu ce livre quand j'avais une douzaine d'années, et j'en gardais un souvenir mitigé. Je me suis dit qu'il méritait que je le relise à l'âge adulte, c'était une erreur.
Je n'ai pas supporté les multiples disgressions ni le changement de mode de narration (on démarre avec un narrateur omniscient, puis un homme qui a connu Jim raconte à ses amis ce qu'il sait sur lui, pour finir par leur raconter ce que Jim lui a raconté, c'est vraiment un choix étrange de la part de l'auteur), et j'ai abandonné aux 4/5e environ.
Il y a un fond d'histoire intéressant, mais ça avance tellement lentement que j'ai perdu tout intérêt.