Lycéenne, je me suis longtemps régalée des grands classiques russes...
J'étais emportée par le souffle romanesque de cette littérature, par la façon dont les sentiments y semblent exacerbés, par cette théâtralité qui pare chaque événement d'une dimension épique. Dans les romans russes, tout prenait un caractère extraordinaire.
"L'inondation" est un texte bien trop court pour être assimilé à une épopée, et ses héros sont plutôt du genre taiseux. Point, ici, de logorrhée à la Raskolnikov... Le tourment ronge mais reste indicible. C'est à travers les conséquences qu'il a sur le comportement et l'état psychique de Sophia, principale héroïne de "L'inondation", que l'on saisit toute son ampleur.
Et pourtant, j'ai bien eu le sentiment d'y retrouver certains des ingrédients constitutifs de ce que l'on désigne sous ce terme sans doute un peu galvaudé "d'âme russe" : ces émotions qui torturent et conduisent au bord de la démence, cette rudesse des conditions de vie, qui semble déteindre sur les rapports entre les personnages, en l'occurrence Sophia et Trofim Ivanytch, couple de quadragénaires qui en dépit de ses treize années de mariage, n'a pas eu d'enfant. Aussi, le jour où l'un de leurs voisins décède du typhus, ils n'hésitent guère avant de recueillir l'adolescente que le défunt laisse orpheline. Mais les relations entre Sophia et la jeune fille restent distantes, tandis qu'à l'inverse, Trofim s'en rapproche dangereusement, avec des intentions qui sont loin d'être innocentes.
La trahison, la rancœur et la culpabilité vont alimenter le drame qui se joue entre les trois protagonistes, les eaux débordantes de la Neva en crue se faisant l'écho du bouillonnement intérieur qui déferle dans l'esprit de Sophia, puisque c'est à travers le regard de cette dernière que le lecteur appréhende l'intrigue.
Un texte concis mais dense et intense, grâce auquel j'ai découvert une autre facette du talent de l'auteur du célèbre "Nous autres".
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