Dans de courts essais biographiques, le prolifique et talentueux poète philosophe Kenneth White, Ecossais sédentarisé momentanément en Bretagne, nomadise intellectuellement, fraternellement, avec des figures de proue, des hommes libres évoluant le plus possible hors des carcans socioculturels débilitants de leurs époques. Venus d’horizons divers, tous s’expriment en français que ce soit le Roumain Emil Cioran, le Belge Henri Michaux, le Suisse Charles-Albert Cingria, le Français féru de géographie universelle Elisée Reclus, l’Ardennais d’Ethiopie Arthur Rimbaud, le Guadeloupéen de l’Atlantique Saint-John Perse, le Breton chinois Victor Segalen, les Parisiens errants André Breton et Louis-Ferdinand Céline, le Provençal céleste Joseph Delteil. Chacun se fait élégamment tirer le portrait de manière légère, fluide mais fouineuse et perspicace. Kenneth White n’a pas son pareil pour rendre invisible une culture ouverte et une érudition sans faille. Concepteur de la « géopoétique », il sait puiser aux sources des textes fondateurs, trouver sa nourriture dans les cheminements de pensée d’autrui tout en se forgeant une vision cosmique de la vie sur Terre particulièrement roborative et réjouissante. D’une lecture agréable car jamais plombée de poncifs, de phrases absconses, de jargon poisseux, Les affinités extrêmes se lisent presque d’une traite. Au lieu de s’épuiser, le lecteur s’enrichit. Les essais les plus touchants sont aussi ceux où l’auteur se met en scène, discrètement mais fort à propos, ainsi des rendez-vous manqués avec André Breton ou de ses entretiens avec Henri Michaux.
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