Roger Brown est le meilleur chasseur de tête de Norvège mais comme c’est lui le narrateur, le lecteur ne peut que le croire. D’emblée, Brown frime et pue c’est-à-dire qu’il ne doute pas de ses capacités ; il se permet aussi de jauger et de manipuler les candidats qui se présentent à un poste à responsabilité. Il se définit ainsi : « […] je suis … professionnel, analytique et sans engagement émotionnel. Je suis un chasseur de tête. Ce n’est pas particulièrement compliqué. Mais je suis le meilleur. » Sûr de lui et de ses méthodes, attentif aux apparences, il n’en est pas moins sur le plan personnel au bord du gouffre financier car il vit largement au-dessus de ses moyens afin d’épater sa femme, Diana. Amoureux d’elle, il doute de lui. Il l’oblige à avorter car il veut être le seul centre d’intérêt de sa femme. La culpabilité le taraude et rien n’est trop beau pour Diana. Brown finance une galerie d’art en pure perte mais cela occupe sa femme. Il habite une maison ruineuse mais c’est la maison rêvée de sa femme. Son salaire, aussi élevé soit-il, ne peut suffire aux dépenses somptuaires du couple. Il lui faut monter une combine qui rapporte du cash et c’est là que ça se corse. Il s’introduit chez des particuliers qui possèdent des œuvres d’art. Il les dérobe et remet son butin à un receleur. Tout est parfaitement huilé. Brown sait y faire sauf le jour où il décide de tenter le gros coup, le dernier, celui qui le mettra définitivement hors du rouge. Il va essayer de dérober un tableau de Rubens mais rien ne va se passer comme prévu. Le propriétaire est un gros poisson particulièrement dangereux et Brown va être ferré. Il sentira que tout s’effrite autour de lui et devra lutter en utilisant à froid et sans répit son intelligence.
On peut être légèrement irrité à l’énumération des objets de marque que Brown ne peut s’empêcher de repérer et de mentionner tout au long du récit, la voiture machin, la montre truc, le parfum chose, etc. On peut aussi déceler des invraisemblances dans les comportements des protagonistes mais dans l’ensemble, l’histoire captive car la phrase est sèche, carrée et très souvent elle fait mouche. Le regard scrutateur de Roger Borwn met en relief des détails qui frappent. Brown a toujours une longueur d’avance sur le lecteur qui ne peut jamais totalement deviner ce qui va suivre mais le bât blesse quand même car on ressent peu d’empathie pour le chasseur de tête ; ses déboires, pourtant bien amenés, laissent froid jusqu’au moment où toutes les pièces de l’histoire s’imbriquent. Chaque chose prend alors sa place et Roger Brown, acculé, aux portes de la mort, retrouve un certain crédit. Le chasseur de tête est pris en chasse par un fauve intelligent, retors et implacable en la personne de Clas Greve, Hollandais volé et violent. Sous le vernis de l’éducation suintent toutes les pulsions, les obsessions et les travers d’une humanité défaillante. La vie apparaît alors comme un empilement de compromis douteux. Le roman laisse à la fin un goût amer et tonique. Jo Nesbo est un auteur avec lequel il faut compter.
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