Vous est-il arrivé d'être extrêment déçu par un livre qui vous avait été chaudement recommandé ? C'est la mésaventure qui m'est arrivée avec "Les anneaux de Saturne". Si ma mémoire ne me trompe pas, c'est pourtant Nancy Huston qui en parlait avec admiration (mais connaissant la réticence de NH envers ceux qu'elle nomment les néantistes, j'ai quand même quelques doutes vu que ce qualificatif s'applique ici parfaitement). Quelle complaisance dans la noirceur, la destruction, la décomposition et quel pédantisme dans le propos ! Le tout exprimé dans un style qui pèse des tonnes et, qui plus est, fait fi des paragraphes, surement une invention réservée aux gens heureux - et forcément insouciants. Les phrases se tirent comme des boulets et on a l'impression que l'auteur a fait quelque pari pour être le plus soporifique auteur de son temps. Mr Sebald, hélas, connait l'histoire de la Grande-Bretagne et il nous l'inflige par longues lampées parfaitement indigestes et totalement dénuées du moindre intérêt sauf peut-être d'un quarteron d'historiographes acariâtres. Ce Mr Sebald était surement gravement dépressif quand il ecrivait ces lignes. Soit. Mais ce n'était pas une raison pour nous les infliger. Voici un exemple du style alerte de l'auteur :
"Ce soir là, à Southwold, comme j'étais assis à ma place surplombant l'océan allemand, j'eus soudain l'impression de sentir très nettement la lente immersion du monde basculant dans les ténèbres. En Amérique, nous dit Thomas Browne dans son traité sur l'enfouissement des urnes, les chasseurs se lèvent à l'heure où les Persans s'enfoncent dans le plus profond sommeil. L'ombre de la nuit se déplace telle une traîne hâlée par dessus terre, et comme presque tout, après le coucher du soleil, s'étend cercle après cercle - ainsi poursuit-il - on pourrait, en suivant toujours le soleil couchant, voir continuellement la sphère habitée par nous pleine de corps allongés, comme coupés et moissonnés par la faux de Saturne - un cimetière interminablement long pour une humanité atteinte du haut mal. (...)"
Et tout est du même tabac, avec en prime d'interminables digressions historiques ou pseudo-scientifiques bourrées jusqu'à la gueule de noms de parfaits inconnus. Cioran ressemble à du Feydeau en comparaison ! Bref, à oublier, si c'est possible.
Edit : c'est amusant, je viens de remarquer que c'est exactement le passage que j'ai cité ci-dessus que l'éditeur a repris pour sa quatrième de couverture. Il y en a pour qui "comme c'est très noir, ça doit être surement très beau". (je sais, j'enfonce un peu le clou, mais après la déception de cette lecture, ça fait du bien !)
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