Je viens de finir la lecture d'un grand livre, assurément. Epais puisque de 720 pages et d'une force douce comme j'en ai rarement trouvée - notamment dans la littérature française qui se pique de psychologisme comme paravent des vraies analyses des personnalités des personnages.

C'est l'histoire d'un homme, qui revient sur son passé, sur sa vie, alors qu'il s'apprête avec Sarah sa femme, à quitter sa petite ville pour aller visiter Venise et un ami d'enfance, dont il a quasi perdu le fil

Une histoire qui est en fait celle de sa famille - 4 générations sous un même toit, pourrait-on dire, c'est-à-dire l'épicerie Chez Ikey.
A aucun moment on n'est perdu et pourtant Richard Russo réalise là un livre fouillé, en donnant à chacun et chacune une vraie existence et une place dans le déroulement du roman.

Il y a tellement à dire, tellement que je vais m'arrêter là, sur cette impression de réussite parfaite, tant l'oeuvre épouse le lecteur que je suis, tant le Pont des Soupirs est souvent l'expression de l'histoire de moments de ma vie. C'est, à mon avis, la marque des chefs-d'oeuvre.

Le Pont des Soupirs s'apparente à une chronique provinciale des Etats-Unis relatant les vicissitudes croisées des Lynch, Marconi, Berg et Mock durant un demi siècle dans la petite bourgade de Thomaston.

Le Pont des Soupirs, illustre pont vénitien reliant les anciennes geôles au Palais des Doges où se réglaient les affaires judiciaires, présente la particularité d'être un pont fermé emprunté par les prisonniers exhalant leurs ténébreux soupirs avant l'emprisonnement.
La sentimentalité de l'oeuvre ploie sous le poids des remords, regrets et peines exprimés par Lucy Lynch (l'un des principaux personnages exhumant ses souvenirs d'enfance, d'adolescence lors de l'écriture de ses "mémoires"), sa femme Sarah, l'ami tant regretté Bobby Marconi, faisant écho à la métaphore du Pont des Soupirs.