C'est l'histoire d'Adam Pollo, un drôle de héros, hors du commun, marginal.
C'est l'histoire d'un moment de sa vie, un moment d'égarement.
Adam occupe une grande maison dans un village de la côte méditerranéenne, désertée par ses propriétaires sans doute partis en vacances. Le lecteur a très peu de certitudes, sur comment il est arrivé ici, d'où il vient, ce qu'il a vécu auparavant. Mais après tout, Adam lui-même ne sait plus s'il est déserteur ou échappé d'un asile psychiatrique, et ses pensées ne sont pas toujours cohérentes.
On sait juste qu'il a presque trente ans, et qu'il mène une vie solitaire.
Il erre dans la villa qu'il occupe clandestinement, prend le soleil à demi nu devant ses fenêtres, se promène parfois sur la plage, reste contemplatif pendant de longues heures...
Dans un cahier, il écrit des lettres à une certaine Michelle, avec laquelle il entretient des relations troubles et épisodiques.
C'est un homme cultivé, intelligent, philosophe même, qui réfléchit beaucoup à la condition humaine, et à sa propre dimension d'être unique mais faisant partie d'un ensemble englobant toute forme de vie environnante. La nature, avec laquelle il tente de "communier", est ainsi omniprésente, comme dans de nombreux textes de l'auteur. En même temps, Adam se sent différent des autres : sa vision du monde, au regard de ce qui est communément considéré comme la "normalité", est décalée.
Adam est comme un électron libre, qui coule ses jours dans une sorte de torpeur primitive, alternée de moments de frénésie douloureuse.
Mais cette liberté ne lui apporte visiblement pas le bonheur : peu à peu, il sombre dans la démence...
La narration à la troisième personne du singulier, paradoxalement, n’instaure pas ici de distance avec le personnage principal, mais lui confère une sorte de légitimité. Le ton neutre, presque bienveillant, avec lequel sa logique est mise en avant, exclut toute tentation de jugement. Les pensées et émotions d'Adam sont minutieusement décrites, suscitant chez le lecteur, si ce n'est de l'empathie, une forme de compréhension. Et lorsque la chute d'Adam survient, nous nous surprenons à être déçus, parce que cet être pas comme les autres était comme le symbole d'une liberté primitive, opposée à l'aliénante rigidité d'une société qui impose de tout ranger dans des cases.
"Le procès-verbal" se présente comme une succession de tableaux, mettant en scène les divagations -errances physiques et intellectuelles- d'Adam Pollo. On avance dans la lecture sans savoir vraiment où elle nous mène, mais peu importe. Les mots de J.M.G. Le Clézio se vivent plus qu'ils ne se lisent, nous enveloppent, font naître en nous des images, des odeurs, nous imprègnent de leur poésie.
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