Une très belle histoire que celle de “La guerre d’Alan”, essentiellement l’histoire d’une amitié entre l’auteur et Alan Ingram Cope.
Dans la préface, Guibert en parle comme ceci : Quand j’ai rencontré Alan Cope, il avait soixante-neuf ans et moi trente. On ne savait pas qu’on n’aurait que cinq ans pour être amis, mais on a fait comme si on le savait. Comme disait Alan, on n’a pas jeté nos heures. On a passé beaucoup de temps ensemble. Echangé des centaines de lettres et de coups de fil. On s’est abreuvé de livres, de dessins, de cassettes. On a jardiné. Cuisiné. Fait du vélo. Du piano. Les courses.
Pour Alan, il était important de raconter, pour Emmanuel d’écouter.
Il racontait sa vie. Sa mémoire était très docile et l’emmenait où il voulait. Elle l’amenait en Californie, la Californie de son enfance et de son adolescence. En Europe, pendant la guerre. Partout où il était passé, où il avait vécu. (...) C’était vraiment un écrivain qui parlait. Ca me remplissait de respect de l’écouter et de le regarder, même une fois le magnéto éteint, remballé, le chemin du retour pris, je voyais cet homme tout rayonnant de son passé et j’étais heureux d’être à côté de lui.
Emmanuel Guibert, dessinateur de BD, décida un jour de représenter la mémoire d’Alan Cope quelqu’un qui se faisait une très haute idée du dessin. Et qui aimait les BD … . Et le fit : des fois en illustrant les souvenirs d’Alan si fidèlement qu’ils en furent tous les deux troublés, le plus souvent en les déformant. Dans tous les cas, Cope « était ravi. Et fier ». C’est pourquoi, pour son récit de véritable écrivain, il choisit des moments tous absolument vrais et qui sont des moments racontés sans interprétation, avec juste ce qu’ils ont eu de vérité.
La guerre d'Alan est un mémoire graphique extraordinaire. Dans ce premier volume (sorti en France huit mois après la mort d’Alan), il raconte sa préparation militaire aux Etats-Unis, à Fort Knox d'abord et à Fort Benning ensuite, entre 1943 et 1945. Dans les autres deux volumes, il racontera sa guerre en Europe.

Une très bonne BD, un dessin sobre qui illustre à la perfection l'histoire de ce jeune soldat américain, et qui donne une vision différente de la guerre, dans toute son absurdité.
Alan Cope, le héros, n'a participé à pratiquement aucun combat, mais a traversé l'Allemagne et la Tchécoslovaquie à la fin de la guerre. La BD est en fait une suite d'anecdotes parfois drôles ou parfois tristes, et cette suite d'anecdotes nous dépeint très bien ce qu'a pu êre cette vie de soldat.

La suite de La guerre d'Alan. T.2 et la fin du cycle.
On aborde cette fois les souvenirs d'Alan de l'immédiat après-guerre ; ses rapports avec quelques grands artistes de l'époque, ses retrouvailles plus tard avec de grands amis de la période, le suivi des personnes qu'il avait rencontrées en Allemagne. La guerre l'a profondément marqué pendant de nombreuses années, il y a une émotion latente à poursuivre une recherche d'identité, comme si cette période lui avait enlevé ses 20 ans de la fin du premier tome.

La suite de La guerre d'Alan T.1. Notre héros arrive en Europe et montre une armée américaine qui n'est pas si organisée qu'on voulait nous le faire croire. Il nous présente surtout les rapports humains entre les soldats, et leurs relations avec les populations qu'ils croisent au long d'un voyage depuis l'arrivée au Havre jusqu'en Tchécoslovaquie. Quelques considérations historiques sont inattendues (surtout sur l'amorce de guerre froide), mais c'est surtout la sensibilité du récit sur laquelle se concentre notre regard.

Il s'agit du témoignage réel d'un soldat américain pendant la Seconde Guerre Mondiale, recueilli par Emmanuel Guibert. Dans ce premier tome, il est très peu concerné par les combats : on suit son instruction dans une base militaire avant son départ en bateau pour l'Europe en février 1944. Alan Ingram Cope est un personnage attachant, pas vraiment pacifiste ni brave comme on peut se représenter les "boys". Il est suffisamment intelligent pour rester assez longtemps à l'écart de la guerre.
Emmanuel Guibert fait le choix de ne pas trop styliser le dessin : on est dans une sorte de réalisme documentaire qui rend la lecture agréable. Une vision alternative très intéressante de cette période, en dehors des récits guerriers, ou des visions d'horreurs inévitablement véhiculées par l'iconographie traditionnelle.