Antoine a la quarantaine. Après 13 ans de vie commune, sa femme, Anne, le quitte. Elle lui reproche son manque de communicabilité, son indifférence de plus en plus pesante. Elle part, avec leurs deux enfants, Mathilde, la préférée d'Antoine, et le petit Léo, avec lequel il ne sait pas s'y prendre. Ils vont vivre tous les trois chez le dentiste qu'Anne a rencontré. Antoine décide alors de faire table rase du passé, de tout "liquider" avant de repartir à zéro. C'est pourquoi, lorsqu'un vide-grenier est organisé dans son quartier, il profite de l'occasion pour se débarasser de tous les objets témoins de son "ancienne vie".
Tel est l'inventaire de Jean-Philipe Blondel, composé de ces choses qui ont accompagné puis matérialisé certains moments de l'existence du héros, et qui, comme autant de madeleines proustiennes, au fur et à mesure qu'il s'en défait, lui remémorent des tranches de vie. Et c'est ainsi qu'il reconstitue un peu plus de trente ans de rencontres, de joies, de déceptions, sans auto-complaisance, ni faux attendrissement. Car au final, de trahisons envers les uns en oubli des autres, que reste-t-il des amis d'enfance, des relations estudiantines, des amours de jeunesse, des rêves profondément enfouis sous les couches volontairement opaques d'un quotidien ordinaire et conformiste ? Comme un miroir de nous-mêmes, Antoine pose le temps d'un après-midi l'équation douloureuse à laquelle se résument bien souvent nos vies, faite de regrets et d'angoisse face à tout ce temps perdu et qui ne pourra jamais être rattrapé. Et puis... dans une seconde partie, l'espoir, timide, survient : la vie continue, porteuse d'autres projets, même insensés ; les objets vendus sont aussi des objets achetés, prétextes à d'autres histoires, catalyseurs de futurs autres souvenirs.
"Un minuscule inventaire" est un roman très touchant. L'écriture de Jean-Philippe Blondel, juste équilibre entre humour et sensibilité, entre lucidité et auto-dérision, y est pour beaucoup. Mais ce n'est pas que cela : ce récit nous parle parce qu'il nous ressemble étrangement, il titille les souvenirs enfouis des coups bas que nous n'avons jamais avoués, des prénoms et des visages que l'on ne peut évoquer avec personne, les "si j'avais su"que l'on n'ose pas prononcer.
Heureusement, au-delà de l'amertume et de la nostalgie, il y a aussi dans cet ouvrage l'écho rassérenant de la reconnaissance envers ceux qui nous aiment, ceux qui ont contribué à nous faire humainement évoluer, et puis surtout, la conviction qu'il n'est pas besoin de fuir aussi loin que possible pour trouver le bonheur ou, à défaut, des "petits bonheurs". Serait-ce cela, la maturité : savoir reconnaître la fatuité de ses rêves de jeunesse, pour apprendre à jouir d'un bien-être plus modeste mais plus accessible ?
http://bookin-ingannmic.blogspot.com/