10 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 5 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
Mots-clés associés à cette oeuvre : alcool, alcoolisme, amerique, amerique profonde, chasse, divorce, drame, effondrement, enfance, etats-unis, etats-unis - pere, famille, fatalite, folie, froid, litterature americaine, litterature contemporaine, meurtre, neige, new hampshire, police, psychose, secret, thriller, tristesse, violence
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[Affliction | Russell Banks] |
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Laudateur
Sexe: Inscrit le: 29 Fév 2008 Messages: 1599 Localisation: Quimper
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Posté: Lun 06 Oct 2014 19:25
Sujet du message: [Affliction | Russell Banks]
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Une amie m'a offert ce bouquin. Je ne connaissais pas du tout Russel Banks, mais elle m'a dit que son écriture l'avait prise au dépourvu.
En lisant, j'ai été pris au piège. D'une part, pendant ce que j'estime les trois quarts du bouquin, il ne se passe rien. On sait qu'il y a eu un événement tragique, mais on ne sait pas lequel. Degré zéro de l'action, ou presque. Et pourtant je ne parvenais pas à lâcher le livre. J'étais dans le récit, qui raconte l'histoire familiale des uns et des autres, qui dresse le dossier psychologique des personnages, etc. L'insignifiance, les petits actes quotidiens, c'est au fond le décor de ce livre, qui prétend dire que les drames n'arrivent que par des personnages insignifiants - c'est-à-dire aussi insignifiants que vous et moi.
Puis dans la dernière centaine de pages, l'histoire s'emballe, le rythme s'accélère, et la tension de vient presque intolérable : je ne peux tout de même pas me coucher sans lire la suite!
Le livre me semble avoir tenu ses promesses. C'est criminel, d'écrire comme ça. C'est priver ses lecteurs de leur sommeil... Je recommencerai l'aventure avec Russel Banks, promis, juré!
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[Affliction | Russell Banks] |
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Auteur |
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Message |
ingannmic
Sexe: Inscrit le: 22 Aoû 2008 Messages: 737 Localisation: Mérignac
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Posté: Dim 15 Déc 2013 11:52
Sujet du message: [Affliction | Russell Banks]
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Wade est un homme en colère. Et s'il est en colère, c'est avant tout parce que c'est un homme malheureux, qui a le sentiment que son existence lui échappe. On pourrait même dire qu'il a le sentiment que l'existence en général lui échappe. Il se sent décalé, imagine que les autres connaissent un secret auquel il n'a pas accès, celui du bonheur, de la joie, celui, tout simplement, de la vie.
Divorcé de Lillian, qu'il a pourtant épousé à deux reprises, il a du mal à gérer ses relations avec Jill, leur fille de dix ans. Ses tentatives pour instaurer entre eux une complicité sont souvent maladroites, et mettent le fillette mal à l'aise.
Empêché par une faiblesse auditive de passer le concours de la police, il doit se contenter d'un poste d'agent de mairie, qu'il cumule avec son emploi de puisatier pour l'entreprise de Gordon LaRivière, personnage important de la petite ville de Lawford, dont il est conseiller municipal.
Déprimé par la médiocrité de sa vie, Wade est en souffrance perpétuelle. Incapable de se forger une carapace solide et durable face aux coups du sort, c'est un être à vif, dont les accès de violence de plus en plus fréquents et l'abus d'alcool laissent présager une descente aux enfers toute proche.
Et c'est en effet bien de cela qu'il s'agit : "Affliction" est le récit de la chute inéluctable de son héros, précipité par ses propres démons dans les affres d'une forme de démence. La progression de cette chute et les mécanismes qui l'engendrent nous sont minutieusement rapportés par Rolfe, le frère cadet de Wade.
Professeur à Boston, Rolfe a fui dès que possible l'immobilisme grisâtre de Lawford et un foyer miné par la férule d'un père alcoolique et violent.
En s'appuyant sur les témoignages de ceux qui ont côtoyé Wade les quelques semaines avant sa disparition -que nous apprenons d'emblée-, il reconstitue les événements qui l'ont précédée. Fort d'une intuition fraternelle née d'une enfance traumatisante commune, qui le convainc d'être le mieux placé pour évaluer l'état d'esprit de Wade durant cette période, il va même plus loin, en décrivant comment son aîné s'est laissé envahir par une idée fixe, et a perdu tout contrôle de soi.
L'ambiance du récit est à l'unisson de la désespérance du héros. Lawford est une bourgade qui n'offre aucune perspective d'avenir, dont les jeunes, à l'image de Rolfe, ne pensent qu'à partir. L'hiver y est long, extrêmement rude, et semble tout recouvrir d'une chape de plomb qui emprisonne les habitants dans un quotidien morne et obscur. Il ne s'y passe jamais rien, hormis l'immuable retour, chaque année, de la chasse aux cerfs, qui peuple la petite ville d'individus balourds et vantards, et de 4X4 aux dimensions ostentatoires.
C'est d'ailleurs un accident de chasse qui constitue le prétexte dont l'âme blessée de Wade s'empare pour le faire basculer peu à peu dans un état de folie ravageuse.
Russell Banks nous offre avec ce roman un texte fort et poignant, la chronique désespérée d'un homme passé à côté du rêve américain, broyé par la malchance, et qui n'a jamais réellement surmonté les traces qu'un mauvais départ dans l'existence a imprimées en lui.
BOOK'ING
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[Affliction | Russell Banks] |
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Message |
C-Maupin
Sexe: Inscrit le: 06 Mai 2006 Messages: 1917
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Posté: Lun 12 Juil 2010 16:26
Sujet du message: [Affliction | Russell Banks]
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Un livre long, tout en nuance, qui cherche à cerner la déchéance d'un homme qui avait des atouts : intelligent, capable, aimant et étant aimé, mais qui traînait comme une fatalité une enfance dominée par un père ivrogne et brutal, et qui gâche par son obstination et son idée fixe, sa méfiance vis-à-vis des autres aussi, les chances qui lui restent.
Le récit est fait par son jeune frère, sorte de double, qui a su échapper à l'emprise du père, et cela donne une singulière profondeur au récit, comme un écho qui l'accompagne.
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[Affliction | Russell Banks] |
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Message |
Max
Inscrit le: 10 Aoû 2006 Messages: 403
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Posté: Sam 03 Oct 2009 11:57
Sujet du message: [Affliction | Russell Banks]
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« On lit cette dépêche et on passe aussitôt à d'autres nouvelles sur le Moyen-Orient, ou sur une inondation subite avec déraillement de train au nord de Mexico, ou sur une énorme saisie de drogue à Miami, et, à moins qu'on ne soit de Lawford ou qu'on ne connaisse l'une des victimes ou le suspect, on oublie tout. On oublie parce qu'on ne comprend pas : on ne peut pas comprendre comment un homme, un homme normal, un homme comme vous et moi, peut faire une chose aussi horrible. Il ne doit pas être comme vous et moi. Il est évidemment beaucoup plus facile de comprendre les manœuvres diplomatiques en cours en Jordanie, les calamités naturelles qui affligent le tiers monde ou l'économie de la drogue qu'une explosion homicide isolée dans un village américain. »
Dans une petite localité du New Hampshire, Wade Whitehouse, la quarantaine, est un homme en déliquescence. Divorcé deux fois de la même femme, devenu étranger à sa propre fille que pourtant il adore, il vit dans une caravane et travaille comme ouvrier d'une société de forage et policier municipal à temps partiel. Et petit à petit, il sombre dans l'alcoolisme et la violence (hérités du père) et la dépression, en ruminant ses échecs. L'arrivée de l'hiver et de la neige, qui prive les habitants de Lawford de tout loisir autre que la fréquentation du bar local, n'aide en rien Wade à remonter la pente. Il bascule définitivement le jour où un citoyen en vue est accidentellement tué lors d'une partie de chasse au cerf. Dès lors, dévoré par l'obsession de découvrir un hypothétique assassin, il s'enfonce dans un désert de solitude et de folie, toutes ses tentatives pour en réchapper l'entrainant inexorablement plus profondément vers la déchéance.
Le roman prend la forme d'une enquête rétrospective de Rolfe, le narrateur, frère de Wade, qui cherche à comprendre comment celui-ci en est venu à disjoncter. À travers les témoignages de ceux qui ont connu son frère, Rolfe va reconstituer son parcours et mettre en évidence le poids de la fatalité régionale, sociale et familiale. Avec cette question qui l'obsède en permanence : pourquoi a-t-il, lui, échappé à cette fatalité et pas son frère ?
« Notre mère s'appelait Sally, elle était alors enceinte de Lena, son quatrième enfant, et je n'étais pas encore né. Sally avait tout juste trente ans. Son mari, notre père, Glenn, était un homme agité qui buvait. Bien qu'il aimât Sally, il la frappait de temps à autre et il lui était arrivé de battre aussi les garçons – pas Wade, bien sûr, qui était trop petit, mais les aînés, Elbourne et Charlie, qui pouvaient être exaspérant (même Sally l'admettait) surtout lorsque Glenn rentrait tard le vendredi soir, un coup dans le nez, et d'humeur massacrante. Ce n'était évidemment pas une raison pour les brutaliser, elle ou les enfants – Glenn n'avait aucune excuse et c'est pourquoi ensuite il était toujours désolé. »
Affliction est le récit de l'effondrement d'un homme ordinaire, pris au piège d'une vie ratée dès l'enfance, confisquée par la tyrannie paternelle. Pour Russell Banks, il s'agît de montrer l'envers du rêve américain, celui d'un pays où tout est possible, alors qu'ici, dans ce roman, rien ne l'est, et des personnages comme Wade ne pourront jamais se sortir de ce qui a été prédéfini pour eux. A partir d'un banal fait divers, Russel Banks construit un récit qui explore les zones d'ombre qui se trouvent entre l'acte volontaire et irréparable et la fatalité.
C'est sombre, c'est âpre, c'est sans espoir. À ceci près qu'une infime chance subsiste que le protagoniste puisse faire du désastre final sa libération...
le cri du lézard
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[Affliction | Russell Banks] |
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Auteur |
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Message |
parsifal
Sexe: Inscrit le: 16 Sep 2007 Messages: 457 Localisation: Belgique
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Posté: Mar 12 Aoû 2008 21:30
Sujet du message: [Affliction | Russell Banks]
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« Il est beaucoup plus facile de comprendre les manœuvres diplomatiques en Jordanie, les calamités naturelles du tiers monde et l’économie du trafic de drogue, qu’une explosion isolée de furie homicide dans un village américain »
« Affliction » pourrait avoir comme conclusion cette constatation pas très originale, mais sans doute pleine de vérité (pourquoi existeraient-ils les romans, alors – presque tous les romans, pas seulement ceux du docteur Freud – si ce n’était pas vrai ?)
Wade Whitehouse, quarante et un ans, divorcé deux fois de la même femme (pourtant, sans jamais cesser de l'aimer), désormais étranger à sa petite fille, le vice de la boisson hérité du père - mais, sous sa carapace de dur, une douceur, une vulnérabilité qui lui seront plus fatales que la violence même ; il est le policier de Lawford, un petite ville du New Hampshire qu'on disait destiné à un triste déclin (mais au contraire, il est à la veille d'être reconverti en une florissante station de ski) et, surtout, un des hommes à tout faire de Gordon LaRiviere, l'homme qui, avec ses trafics plus ou moins légaux, possède désormais la localité.
Autour de Wade, dans les jours de sa crise, pendant que la folie se prépare à éclater, accompagnée des pulsations insupportables d'une dent malade, une quantité de personnages, tous repoussés inéluctablement : Margie, l'amant de Wade, le père et la mère, les frères qui ont quitté Lawford et les quelques jeunes qui restent au village, la famille de Evan Twombley, le riche syndicaliste qui à Lawford s'est offert une villa (« construite il y a trois ans pour sembler vieille d'un siècle, comme si elle avait été héritée »), les chasseurs saisonniers, les avocats de ville, etc…
Tout se tient dans ce récit, du début à la fin, même si c'est du non-dit (ou mieux, le narrateur le dit, mais je ne crois pas qu'on doive le croire) que la mort d’Evan Twombley – le seul mort où Wade n'est pas directement ou indirectement responsable – ait été vraiment accidentel.
L’affligeante histoire de Wade est reconstituée par son frère Rolfe, un « double » un peu de mauvaise foi, dont les pauvres tourments métaphysiques et existentiels (pourquoi lui et pas moi ? etc) deviennent vite irritants.
Peut-être qu’un narrateur moins impliqué et tout aussi onniscient aurait été approprié : mais alors l’auteur aurait dû imaginer d’autres trucs pour ne pas compromettre le suspense d'une histoire qui, sans le contre-chant « policier », risquerait à chaque instant de tomber dans le psycho-sociologique des plus menaçants – voilà pourquoi, dans le doute, mieux vaut supporter la voix de Rolfe, avec ses occasionnelles banalités (comme la chute de grand style à la toute dernière ligne : « L'histoire sera finie. Sauf que je continue »).
Nonobstant ces petites remarques, ça reste un super roman, très bien écrit. Il se lit d’une traite, toujours et partout, en exploitant chaque parcelle de temps disponible de la journée.
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