Le château de glace est une cascade gelée, une construction faite de salles, de fentes, de jeux de lumière. L'intérieur est rempli du bruyant grondement de l'eau qui tombe et qui modèle les murs : c’est une voix secrète, c’est un mystère qui nous pousse à pénétrer toujours plus profond jusqu'à que le soleil ne réussisse plus à nous rejoindre. Et là nous trouvons des paradis cachés, des échos trompeurs, des murs qui pleurent : le froid ne réussit pas à nous meurtrir, nous ne trouvons plus le chemin de retour.
De l’extérieur, le château attire et réfléchit la lumière et le regard. Il n'est pas possible de ne pas s'arrêter pour l'observer, pour l'admirer: il est un monument de l’hiver, à la nature sauvage. Un oiseau de proie aux serres d’acier en est le seigneur. Et l'inquiétant appel de la mort le domine.

Voilà le paysage naturel de la Norvège dans les sombres mois de l'hiver, servant comme toile de fond au roman de Vesaas – mais tout en occupant, en même temps, le premier plan : la nuit, la glace et le froid sont les protagonistes symboliques de l’histoire.

C’est ici que Unn, une gamine de onze ans, fascinante et mystérieuse, disparaît sans laisser de traces. C’est ici que Siss, son amie du même âge qui a peur du noir, envoûtée par un secret non dévoilé, se laisse transporter à la recherche de sa nouvelle amie, rencontrée seulement le jour d’avant. C’est ici que Siss rencontre la mort, le regret, l'incompréhension des gens.
Mais c’est encore ici que la gamine guérit, brise l'isolement dans lequel elle s'était enfermée après la tragédie. C’est, en effet, une histoire de lutte entre la lumière et les ténèbres, entre le jour et la nuit, entre la peur du noir et la joie de vivre. C’est l'histoire d'un gamine qui, grâce à l'aide muette et désintéressée de sa communauté, d'une « vieille tante » et d'un garçon timide, triomphe de la peur en faisant apparaître dans le « noir aux côtés de la route » des joueurs de flûtes qui l'accompagnent à la maison.

Le roman se ferme - comme un cercle parfait - dans la splendeur du soleil printanier qui réchauffe et fond les glaces du château où se croisent tous les grands thèmes abordés de l'auteur : l'amitié et la mort, l'apparence et la réalité, le regret et la consolation.

Ecriture poétique, paysages féeriques, le début de l’hiver norvégien et l’amitié de deux petites filles dont l’une des deux disparaîtra dans une cathédrale de glace. Récit sur la mort, le renoncement, la dépression, l’hiver, le froid, le cycle des saisons, le travail de deuil suivi de l’acceptation, le retour à la vie et la réapparition du printemps.

Une belle allégorie toute en langueur où l’amitié, la fidélité occupent une place prépondérante : comment tenir sa promesse, à savoir ne pas oublier l'autre, sans s’éteindre à son tour en s'identifiant à la personne disparue et choisir de poursuivre sa route malgré tout...

Difficile d’émettre un avis tranché sur ce court roman, qui est de toute beauté tout en étant déstabilisant, avec l’impression parfois de ne pas bien tout comprendre. Je crois qu’il faut se laisser prendre par la magie de l'écriture sans trop se poser de questions, un peu comme dans un roman de Murakami, même si le registre est différent.