Dans cet essai, Eva Joly revient sur le climat délétère qui a entouré l'affaire Elf. Ecrivant ce livre alors que le procès n'est pas terminé, elle ne révèle pas les détails de l'instruction...et c'est bien dommage car cette longue affaire (l'instruction a duré 7 ans) ne m'ayant pas plus intéressé que çà, j'ai eu du mal à raccrocher les wagons, hormis pour les épisodes archi connus (la fuite de Sirven, les chaussures de Dumas, la putain de la République...).
Eva Joly a subi de multiples pressions et menaces pendant cette instruction et elle nous les raconte par le menu dans une grosse moitié du livre. Ensuite, elle s'interroge sur l'avenir de la Justice et la lutte contre la grande corruption...mais je n'ai pas beaucoup insisté sur cette partie car la première moitié du livre m'avait épuisé et j'ai lu le dernier tiers en grosses diagonales.

Outre le fait que le livre soit relativement mal écrit (écriture faible, métaphores qui tombent à plat, citations mal choisies), je n'ai pas trouvé d'intérêt à cette longue litanie sur les failles de l'état de droit, les pressions, les menaces, les coups de Jarnac etc...
J'ai trouvé le ton d'Eva Joly assez complaisant et je pense qu'elle manque d'objectivité pour raconter cette longue et complexe histoire.
Eva Joly a été le magistrat à l'origine de l'affaire et le juge patron de l'instruction pendant 7 ans...çà peut expliquer le manque de recul par rapport aux faits.

Les premiers chapitres m'ont un peu déçue. Ils tournaient un tout petit peu trop autour de l'auteur, qui par ailleurs tenait des propos plutôt vagues sur l'instruction qu'elle menait.
Par contre les 70 dernières pages m'ont emballée. On comprend mieux de quoi il retourne, Eva Joly nous donne des chiffres, des faits, des exemples désespérants! La réponse de je ne sais plus quelle banque concernant un compte et un virement précis: le compte appartient à un client de notre banque, le virement a été fait au profit d'un autre client de notre banque.... Vive le secret bancaire!
Je ne regrette pas une seconde de m'être accrochée et d'être allée jusqu'au bout de ma lecture (mais les débuts ont été vraiment laborieux).
Madame Joly est bien plus convaincante/intéressante quand elle dénonce des injustices et des scandales que quand elle rapporte tous ses déboires pendant l'affaire Elf (où on a l'impression de lire 10 fois les mêmes entourloupes....).

Malheureusement, tout ceci ne porte pas à l'optimisme. Les riches, les puissants, sont intouchables, et on a bien l'impression qu'ils le resteront, quoi qu'il arrive.

Quelle lecture choquante ! Jamais l'expression "le monde à l'envers" n'aurait été si bien illustrée : le juge d'instruction est celui par qui le scandale arrive, et au lieu de regarder la direction dans laquelle il tend l'index, le monde s'obnubile sur l'index, calomnie la forme, la couleur, la longueur de l'index et ce qu'il montre ne compte plus.
J'ai toujours été choquée de la manière dont certains élus ou hauts fonctionnaires se rengorgent comme un coq qui va se battre et se dressent sur leurs ergots dès qu'un journaliste (comme si cela arrivait souvent !) fait mine de leur demander des... comptes.
Je comprends que maintenant que c'est parce que l'impunité est la règle, la pénalisation n'étant faite que pour le vulgum pecus et la surprise indignée n'est malheureusement même pas jouée : "Tout le monde le fait".
Et ce n'est pas le projet de dépénalisation du droit des affaires de M. Sarkozy qui va arranger cette gabegie (à l'heure où j'écris cette note) ! Le salut viendra-t-il d'une ligne commune des magistrats, de la mondialisation de l'opération Mani pulite ? Ce serait la seule chose décente et démocratique à mettre en place.

Inscrit sur mon Challenge ABC 2008.

Cinq étoiles pour ce courage exemplaire en tant que magistrate, dans une instruction non sans danger.

Un témoignage à lire absolument.