Jeune fille de Anne Wiazemsky le 6/4/07
Broché: 215 pages Editeur : Editions Gallimard (11 janvier 2007)
Présentation de l'éditeur (ne pas lire si vous voulez découvrir l'ouvrage, se reporter directement à "mon commentaire".
Printemps 1965. Anne, la narratrice, a dix-huit ans quand elle rencontre le cinéaste Robert Bresson. Cette entrevue a été organisée par son amie Florence, laquelle tenait le premier rôle dans Le procès de Jeanne d’Arc. Persuadée que Anne est l’actrice idéale pour interpréter Marie dans Au hasard Balthazar, le prochain film du maître, Florence la pousse à auditionner malgré sa complète inexpérience. Au fil des séances d’essai, la présence d’Anne, son attitude, sa voix convainquent Robert Bresson de la nécessité de ce choix. Mais Anne est encore mineure, et il s’agit de faire accepter le projet à son grand-père, François Mauriac. Heureusement pour elle, ce dernier mesure toute l’importance de cette opportunité.
Pendant plus d’un mois, Anne va faire l’expérience d’un plateau de cinéma. Robert Bresson, lui, instaure un jeu ambigu, entre séduction et domination. Bien que repoussant ses avances, Anne subit son emprise psychologique et le magnétisme de son génie artistique. L’actrice sent qu’une métamorphose s’opère en elle, suscitée par des désirs puissants mais confus, qui exacerbent sa sensibilité.
Un week-end, elle décide de coucher avec un jeune type de l’équipe, afin de calmer son hypersensibilité. Une étape fondamentale vient d’être franchie. Son caractère s’affirme, elle ose tenir tête à Bresson, renversant le rapport de séduction en sa faveur, tout en découvrant, jour après jour, la magie du métier d’acteur. À la fin de l’été, le film terminé, Anne sait qu’un avenir est désormais possible.
La narration est dense, tendue, précise dans la description des émotions qui habitent cette jeune fille devenue, en l’espace d’un été, une « jeune femme ». Ce roman initiatique nous entraîne au passage dans l’univers singulier du septième art et nous fait découvrir l’un des créateurs les plus talentueux du cinéma français, qui aura été, pour la narratrice, à la fois un Pygmalion et un étrange séducteur.
Mon commentaire :
Elle est discrète, elle est légère la jeune fille désirant devenir actrice. Fille femme, genre délicate porcelaine blanche transparente et pourtant, si résistante au toucher. Une tonalité dans le phrasé me renvoie aux dialogues des films de Truffaut, déclamés par l’excellent Jean Pierre Leaud (en Doinel). C’est une ambiance des années « quatre cents coups », teintée d’émancipation timide, gorgée de malice vestimentaire, prémices d’une révolution de jeunes engagés dans la vie libérée.
L’approche d’un grand réalisateur tel que Bresson donne aux heureuses élues la retenue débordante d’euphoriques attitudes chuchotées, à peine le temps d’absorber son regard profond, ses colères chimériques, sa singulière approche des vivants, projetés sur grand écran.
L’auteure, flirte avec le bonheur de vivre ou plutôt le « bonheur de se sentir vivre », tant l’insouciance de cette « vedette » l’ensoleille au point qu’elle se sente protégée du reste du monde et des affres de la misère des guerres ou autres drames contemporains, dès lors que monsieur Robert Bresson, d’autorité lui souffle ses répliques devant caméra, micros et projecteurs éblouissant. Faut il venir d’une famille aisée (ici celle de François Mauriac), pour oublier les inconvénients futiles du quotidien, pour ne jamais s’inquiéter des nécessaires obligations financières dont tout jeune à cet âge s’enlourdit la vie qui n’a rien de bohême ? Anna vit dans un rêve, épaulé par ses parents, sans se rendre compte de sa chance du moment.
L’écriture de Anne Wiazemsky virevolte autour de Bresson, son maître dieu, héroïque mécène de sa découverte du septième art, au moins le temps du tournage « au hasard Balthazar ».
Les acteurs portés hauts devant les projecteurs (Florence Carrez dans « le procès de Jeanne d’Arc ») sont de véritables objets malléables, exécutant pantomimes, articulations phonétiques de chiens savants. Ils restent à la merci des phobies d’artistes plus ou moins géniaux .
Mesdames, messieurs, n’offrez pas ce livre à vos filles, elles risqueraient de prendre goût à l’ambiance éphémères des plateaux de tournage, de « s’y perdre ». Jeunes filles, ne lisez pas ce journal très bien romancé : vous pourriez envisager une carrière de potiche dérisoire destinée à vous identifier aux statu…ts, des intermittents du spectacle.
Petite note désagréable à l’intention de Gallimard : la présentation de l’éditeur est scandaleuse. Doit on dévoiler un livre avant de l’avoir ouvert ?(bertrand-môgendre)
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