Au nom du père et du fric!
Troisième roman de Ken Bruen avec Jack Taylor comme personnage (on ne peut pas dire héros!) récurrent.
Un mot d'explication sur "les Maisons des Magdalènes", abomination légale chargée de purifier les filles mères ou toutes autres pécheresses, dans la très catholique Irlande. Le principal travail de ces jeunes filles était la lessive, l'église se faisant rétribuer pour ce service (mais sévices pour d'autres). La dernière de ces maisons a fermé dans les années 1990.
Une jeune fille frotte le sol, elle pense à son bébé qu'elle a dû abandonner ; arrive une nonne qui, mécontente de son travail, lui cingle le visage de son rosaire, une, deux, trois fois. Ce dernier coup sera mortel. Nous sommes dans une "Magdalene House".
Jack a une dette envers un caïd de Galway, Bill Cassell, il ne peut pas refuser la mission que lui propose ce dernier : retrouver une certaine Rita Monroe qui aida sa mère à s'enfuir de cette institution peu charitable.
Un ex-collègue Brendan et une amie lui donnent l'adresse de celle-ci. Après l'avoir vu, il garde l'information pour lui et accepte un second travail. Un homme pense que sa belle soeur a tué son mari et laisse un acompte plus que confortable.
Bredan Flood, policier qu'il appréciait, se suicide. Cette enquête sur ces institutions religieuses dérange donc tant de monde? Le fait que la tante du surintendant ait été religieuse dans cet ordre cache-t-il autre chose? Ces deux étudiants tués à quelques jours d'intervalle ont-ils un lien avec cette affaire. Une jeune policière, nièce de Brendan, l'aidera pour résoudre ce qui ne semblait être qu'une banale recherche.
Parfois, entre deux chapitres, le calvaire de certaines jeunes filles ayant vécu chez "Les Magdalens Sisters" nous est conté froidement, pour ne pas oublier.
Jack Taylor, toujours poursuivi par ses démons et un alcoolisme dévastateur, semble avoir arrêté la cocaïne, ce qui en soit est un réel progrès. Mais parfois les amphétamines prennent le relais. Sa solitude devient chronique, ses amis le quittent l'un après l'autre et ses périodes de sevrage se terminent en général en beuveries monstres. Il regrette son père et déteste toujours sa mère, seule la littérature encore et toujours lui permet de tenir le coup. Et pour tenir le coup dans ce roman, Jack doit vraiment prendre sur lui, aidé par quelques drogues pharmaceutiques, il viendra à bout de cette enquête. Mais quelques morts resteront sur le bord du chemin.
Une écriture un peu plus apaisée que d'habitude et une histoire policière qui dans ce livre est plus étoffée.
Comme dans chacun de ses romans, Bruen nous parle des écrivains qui ont marqué sa vie, ici en particulier, il rend un hommage à Robin Cook.
En passant, il me rappelle que je n'ai pas encore lu "1980" de David Peace qui est dans un coin de ma bibliothèque.
On peut voir l'excellent film de Peter Mullan "The Magdalene Sisters", Lion d'or au festival de Venise 2002 et le reportage de France 3 "Les Blanchisseuses de Magdalen".
Le reportage figure sur le DVD.
Extraits :
- Vaut mieux oublier. C'était comme un camp de concentration. Elles étaient pires que des nazis.
- Les conditions de vie étaient atroces et les jeunes filles soumises à d'épouvantables traitements.
- Qui ose prétendre que l'âge d'or du clergé est révolu?
- Elle parlait anglais comme tous ceux et celles qui ont été élevés dans le Gaeltacht*. C'est leur seconde langue. Elle ne coulait jamais avec une fluidité parfaite.
- Oh, bordel, une tombe supplémentaire qui venait s'ajouter à la longue liste des gens que j'avais si gravement négligés.
- Je levais le pistolet, tirais à deux reprises derrière son genou droit. Le traitement de faveur, style Belfast.
- Le mot irlandais qui correspond à la tristesse est "bronach". Mais il signifie tellement plus. Il est voisin de la désolation, et mon coeur en était transpercé.
- Je vous ai dit que je m'appelle Ni Iomaire. La forme anglicisée, on ne l'utilise pas.
Éditions : Série noire/Gallimard.
Titre original: The Magdalen martyrs.
*Ensemble des régions d'Irlande d'expression gaélique.
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