3 livres correspondent à cette oeuvre.
Il y a actuellement 3 notes de lecture correspondant à cette oeuvre (voir ci-dessous).
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[Redemption Falls | Joseph O'Connor] |
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ingannmic
Sexe: Inscrit le: 22 Aoû 2008 Messages: 737 Localisation: Mérignac
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Posté: Mer 18 Sep 2013 9:03
Sujet du message: [Redemption Falls | Joseph O'Connor]
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Ça commence avec l'image d'un femme qui marche. Elle marche tellement longtemps que c'est à peine croyable. Les kilomètres ont tant usé ses misérables souliers qu'au bout d'un moment, elle marche pieds nus. Elle est sale et maigre à faire peur, elle a faim, elle a froid, elle croise des hommes qui la malmène -bien sûr, c'est un euphémisme- mais elle est portée par une volonté farouche, elle ne s'arrête ni ne baisse la tête, elle ira jusqu'au bout de sa quête...
Cette femme, c'est Eliza Duane Money. C'est d'ailleurs à peine une femme, elle n'a que dix-sept ans, mais elle est déjà terriblement endurcie contre les coups durs que sa condition lui fait inévitablement subir.
Être une femme pauvre dans ce monde d'hommes, au lendemain de cette fratricide et sanglante guerre de Sécession, c'est être vouée à n'être presque rien, à subir la brutalité des désirs bestiaux, subir une domination masculine évidente, violente et inique.
Le but de sa quête tient en un mot, ou plutôt en un nom : Jeremiah. Jeremiah est le jeune frère d'Eliza. Il s'est enfui du foyer familial, et son errance l'a mené à Redemption Falls, ville (fictive) du sud des États-Unis, dont le gouverneur récemment nommé, James O'Keefe, peine à asseoir son autorité.
Il faut dire que les circonstances jouent contre lui : James a été placé là par le gouvernement de l'union après la victoire des confédérés, et les sudistes, vaincus, voient d'un très mauvais œil l'irruption de cet intrus, qui de surcroit est irlandais. La propension du gouverneur à la bouteille et la violence de ses crises de fureur font par conséquent les choux gras de la presse locale. Redemption Falls est la ville de péquenots par excellence, perdue au milieu de nulle part, noyée sous la poussière que génère une la terre aride et infertile. Pourtant, le "Col O'Keefe", surnommé aussi "Le sabre", fut, en son temps, une légende.
Condamné par le royaume d'Angleterre pour ses activités subversives et révolutionnaires à la résidence forcée en Tasmanie, il parvint à s'évader de l'île ...
Oh, là, là, ça ne va pas du tout, je suis en train de trop en dire. D'autant que la sagesse de ce résumé à la chronologie linéaire ne peut pas vous donner la mesure du souffle qui habite le roman de Joseph O'Connor. Vous devrez reconstituer tous les éléments de son histoire comme si vous construisiez un puzzle. Une bribe de journal par ici, un échange épistolaire par là, quelques chansons et poèmes vous imprégnant au passage d'une atmosphère tantôt guerrière, tantôt sentimentale... Il est très difficile de rendre compte compte de la richesse de ce récit au rythme entêtant, où se bousculent souvenirs et compte-rendus pseudo historiques, où se côtoient héros déchus et femmes du monde, indiens et brigands... L'ensemble étant servi par une écriture qui sait se faire saccadée ou lyrique, les phrases sèches et sans verbe alternant avec de longues tirades éloquentes.
C'est fort, violent, odorant, émouvant...
C'est foisonnant mais complètement maîtrisé, si bien que le tout forme un ensemble parfaitement homogène...
... que dire de plus ?
Mais... que faites-vous encore là ?
Courez, courez à la librairie la plus proche pour vous procurer ce petit bijou !!
BOOK'ING
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[Redemption Falls | Joseph O'Connor] |
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Message |
sentinelle
Sexe: Inscrit le: 26 Juin 2007 Messages: 228 Localisation: Bruxelles
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Posté: Sam 26 Jan 2008 21:29
Sujet du message: [Redemption Falls | Joseph O'Connor]
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Nous sommes en Amérique, en 1865. La fin de la guerre de Sécession est proche.
Il y a comme une atmosphère de fin du monde à cette époque : dévastation, exécutions sommaires par pendaison, grandes tempêtes, villes fantômes, émeutes d'affamés, granges brûlées, villages saccagés, demeures calcinées, escadrons de vétérans quittant les lieux du massacre pour s'en retourner à leur domicile ou ce qu'il en reste.
Sur la route, la jeune Eliza Duane Mooney. Elle a mis plus d'un mois pour franchir à pied la Louisiane, à raison de 20 kilomètres par jour. Elle est à la recherche de son jeune frère Jeremiah, pris dans les filets de la guerre et perdu de vue depuis. Leur dernière entrevue s'était mal passée mais Eliza sait que la seule famille qui lui reste est ce jeune frère disparu.
Plus rien d'autre n'importe que de le retrouver parmi les décombres de la guerre.
Extrait :
Ses talons sont constellés d'ampoules ; elles suintent. Elle arrache des bandes au bas de son habit pour panser. A chaque pas, clopin-clopant, son sarrau raccourcit. Elle s'imagine nue, haillons aux pieds et feuille de vigne. Errant dans le jardin des peines.
Redemption Falls, ville en construction située dans une contrée sauvage et montagneuse au Nord de l'Amérique, appelée les Territoires du Nord.
Cette région inhospitalière s'étend sur une zone immense en majeure partie non cartographiée.
Les crevasses et les canyons escarpés regorgent de desperados et leurs hordes, déserteurs de la guerre.
Les habitants de la ville ne valent guère mieux : visages de sauvages, traits taillés à la serpe, ils sont anciens tireurs d'élite confédérés, dragons de l'Union, esclaves affranchis, contremaîtres en disgrâces. Beaucoup de nationalités sont présentes : prussiens, français, hollandais, écossais, irlandais. Tous portent un masque. Tous là pour fuir quelque chose.
Le gouverneur des Territoires du Nord ne fait pas exception à la règle.
Le général O'Keeffe, ancien révolutionnaire en Irlande, a vu sa condamnation à mort commuée en bannissement à vie dans la colonie pénale de la Terre de Van Diemen (Tasmanie).
Il s'en évadera pour accoster en Amérique, laissant un bébé mort et une femme, qui dit-on, se suicidera de chagrin après son départ. Général des armés du Nord, il a levé une armée de zouaves irlandais. Sa brigade sera anéantie.
Il s'est remarié depuis à la trop belle Lucia. Le couple va mal, très mal. Depuis des années maintenant. Le général O'Keeffe n'est plus celui qu'elle a connu au début de leur rencontre.
C'est un homme détruit, pétrit de culpabilité d'avoir abandonné sa première femme mais aussi d'avoir mené à la mort des centaines d'hommes qui avaient une totale confiance en lui.
Il refuse de lui faire un enfant, ils font chambre à part depuis des années, il boit, elle tempête, il l'insulte, elle se laissera séduire par un autre. Elle le rejoindra à Redemption Falls.
Jeremiah Mooney, garçon de 11-12 ans, "jeune tambour" ruisselant portant un uniforme confédéré en loques, va trouver refuge au domicile du général. Il fait partie de ces milliers d' enfants qui suivront les armées. Il ne parle plus depuis la guerre et pourtant il chante comme un ange.
Extrait :
La nuit, je me tire sous la maison. Quand on se fait tout petit, on arrive à se faire une place comme y faut. Si tu te tortilles assez, tu disparais. Comme une tortue dans sa carapace. Tu flottes tout autour du monde comme une poussière sur l'œil de Dieu. Et plus personne t'emmerde.
Une autre histoire est en train de se mettre en place, au dénouement forcément tragique, à l'image de ces Territoires du Nord au paysage frustre et sauvage.
Voici en quelques lignes les personnages principaux que nous rencontrerons tout au long de cette sublime mais néanmoins cauchemardesque épopée à laquelle nous convie Joseph O'Connor.
Redemption Falls commence là où finissait L'étoile des mers : des milliers d'irlandais fraîchement débarqués en Amérique pour fuir la famine en Irlande vont s'engager dans cette guerre de Sécession, indifféremment du coté de l'Union ou des Confédérés. Beaucoup paieront de leur vie le prix de leur intégration aux Etats-Unis d'Amérique.
Pour nous parler de cette guerre, Joseph O'Connor va utiliser le même procédé que celui dans son roman L'étoiles des mers, multipliant les points de vue, les perspectives, les narrateurs, les sources d'informations. Ce sont peut-être une centaine de voix qui nous conterons cette épopée, avec l'exploit de ne jamais nous perdre en cours de route malgré la diversité des témoignages. C'est un grand roman. Je gage que Jeremiah Mooney, Eliza Duane Mooney, le général O'Keeffe et sa femme Lucia ne quitteront pas vos mémoires avant longtemps après cette lecture…
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[Redemption Falls | Joseph O'Connor] |
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Message |
Mariecesttout
Sexe: Inscrit le: 18 Aoû 2007 Messages: 149
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Posté: Dim 09 Déc 2007 1:26
Sujet du message: [Redemption Falls | Joseph O'Connor]
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Commentaires : 1 >> |
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Redemption Falls
traduit de l'anglais ( Irlande) par Carine Chichereau avec brio!
Phébus
Dans la postface de ce roman ,Joseph O'Connor explique beaucoup mieux que je ne le pourrais ce qu'il a voulu faire.
Des extraits, donc.
"Expliquer ce qu'on a voulu faire dans un roman est presque toujours une tentative rétrospective, il faut être honnête...A un certain moment, on écrit le roman qu'on aimerait lire par dessus tout , car les écrivains sont d'abord des lecteurs...
Redemption Falls commence par l'image d'une jeune fille marchant pieds nus dans un paysage dévasté....elle est entrée dans ma vie comme un souvenir.
Eliza Duane Money, pélerine solitaire. Trop jeune pour se lancer dans une distance aussi terrifiante. D'où venait-elle? Pourquoi était-elle partie? Où allait-elle? Quelqu'un l'aimait-il? Je distinguais parfaitement ses pieds blessés, je m'en souviens; le poids de sa matérialité. Elle cherchait quelqu'un. Un frère, me semblait-il....
Je dois avouer que certains romans de guerre me mettent mal à l'aise, en offrant trop souvent la perspective d'un seul personnage. Une histoire a toujours deux facettes, mais un récit de guerre en a bien davantage...Je voulais écrire un livre bruyant, aux facettes multiples, qui parfois se querellerait avec lui-même , voire se contredirait dans ses propres conclusions. Il y aurait de nombreux narrateurs, des perspectives de temps, de ton et de personnages conflictuelles. Cette idée m'est venue qu'un livre sur la guerre devait se lire comme s'il était composé de morceaux raboutés ensemble d'une manière quelconque, à partir de fragments déchirés, épars, venant d'autres livres. Un patchwork. Un album, peut être , compulsé par une personne accrochée à l'espoir que de ce processus puisse naître du sens, que de la compassion émerge de la narration d'une histoire. pour moi, rassembler les choses est un désir humain profond : c'est ce que nous faisons de nos vies avec nos enfants, ceux que nous aimons , c'est ce à quoi nous nous livrons par les longues nuits obscures quand nous en traversons, lorsque le silence fait resortir l'enfant qui est en nous. La guerre est une déchirure , une agression contre le corps , la reconnaissance qu'on ne peut fonder la paix sur une seule histoire.... Ce livre est une tentative pour narrer une histoire avec fidélité au sein d'une structure qui soit également fidèle, mais aussi vivante, et qui engage le lecteur. Le récit unique et linéaire, éternelle tentation pour l'écrivain, sera cette fois éclaté...
...Tant d'histoires, tant de récits et de personnages, mais une seule les relie entre eux. Eliza, malgré son absence , est la reliure qui maintient l'album , grâce à cet amour totalement désintéressé qui donne à notre espèce assez de valeur pour qu'elle se perpétue; à son auteur, elle dit qu'il faut toujours garder espoir, même au coeur des taudis de la morale, même quand tout porte à désespérer. Pourquoi parcourut-elle cette longue route? Et que trouverait-elle au bout? Voilà les question auxquelles je voulais répondre, et si ce roman a de la valeur, ce n'est que dans la mesure où il apporte la grâce inépuisable de la compassion humaine, qui continue d'exister quoiqu'il advienne , en dépit de tous les obstacles. Il y a des tyrans dans ce monde; il y a des bourreaux et des gens qui torturent. Mais il existe aussi des Eliza Mooney. Passer ces quatre dernières années en sa compagnie fut une expérience pleine d'humilité, une bénédiction. Elle va me manquer à présent que commence son nouveau voyage. Il m'a été difficile de lui dire adieu."
Amateurs de grands récits épiques, ne manquez pas ce livre. Et vous verrez que vous aussi, comme moi, aurez du mal à vous séparer de tous ces personnages!
Et surtout, surtout, allez jusqu'à l'extrème fin , jusqu'au dernier mot. Et vous comprendrez que les mots Redemption Falls , qui désignent le lieu imaginaire où se déroule une partie de cette histoire , n'ont pas été choisis au hasard...
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