Tom est mort
P.O.L
Dans un entretien du quotidien Libération avec Philippe Lançon, au sujet de la polémique ridicule sur le plagiat qu'elle aurait fait du livre que Camille Laurens a écrit après la mort de son fils,
http://www.liberation.fr/culture/275059.FR.php
Marie Darrieussecq , que je lis pour la première fois, dit :
Je souhaitais rendre compte avec le plus de dignité possible, sans pathos ni complaisance, de l'amour parental, amour fait de terreur : tout parent craint et cauchemarde la mort de son enfant
C'est donc un roman, une fiction, mais quelle réussite dans l'empathie et le réalisme. On sent que c'est le texte d'une mère, qui, comme la plupart des mères, a toujours pensé, depuis le jour de leur naissance, à ce qui peut arriver de plus atroce, leur mort avant la sienne.
Ce n'est pas du tout un livre larmoyant, c'est très sec, très concis, dès le début le problème est posé, Tom est mort, comme on pose un énoncé. Et après, on le résoud comment et quand? D'aucune façon et jamais.
Et à partir de cet énoncé, les problématiques ne manquent pas.
Combien de temps pour le deuil, par exemple? Ca dépend de quoi? De l'âge de l'enfant, du temps passé ensemble?
S'il y a des degrés dans la souffrance, c'est à l'intérieur d'un même individu, avec pour chacun une sorte d'horizon impossible, de seuil infranchissable. Le pire. J'avais quinze ans quand je lisais 1984 d'Orwell, et je me souviens de la pièce 101. Dans la pièce 101 il y a le pire. Dans le cas de Winston, ce sont les rats. Winston est attaché sur une chaise , tête et mains entravées. Le bourreau ajuste sur son visage une cage pleine de rats. " On ne sait pas, dit le bourreau, s'ils vont commencer par les yeux ,ou les joues, ou dévorer la langue de l'intérieur." On lit ça, on s'en souvient pour toujours.
Dans mon cas, je croyais que c'était: être enterrée vivante. Et puis j'ai eu des enfants, et le pire a rôdé autour d'eux. Le pire, qu'est-ce-que c'était? Le pire c'était eux. Tout, sauf eux. Sauf que je m'imaginais, je ne souffrais pas.
Il y a tellement de notes justes dans cette fiction sur le deuil maternel , sur le deuil tout court, notamment, comme c'est le cas dans la mort de Tom , lors d'une disparition brutale , que l'on se dit quand même que Marie Darrieussecq ne peut avoir tout imaginé. Et effectivement, non. Elle a vécu et mise en mots la douleur de sa propre mère qui a perdu un fils.
Elle a trouvé les mots pour le dire, et quoi qu'en dise Philippe Forest , les mots sont nécessaires et peut être utiles.