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[Crimes au bord de l'eau | Kerstin Ekman] |
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Auteur |
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Message |
Franz
Sexe: Inscrit le: 01 Déc 2006 Messages: 1996 Localisation: Nîmes
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Posté: Sam 06 Sep 2008 20:44
Sujet du message: [Crimes au bord de l'eau | Kerstin Ekman]
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Pour que la peinture de mœurs rencontre celle de paysage et se marie harmonieusement, il faut que l’artiste sache aérer sa narration afin que la pâte verbale se fluidifie et illumine ses tableaux. Kerstin Ekman (romancière suédoise née en 1933) a réussi cette prouesse. D’où viennent alors le trouble et l’inquiétude qui s’insinuent dans l’esprit du lecteur à mesure que se dévide le récit ? Peut-être de la crudité des mots dans des descriptions d’attitudes et d’individus ; peut-être des vies juxtaposées qui ne communiquent jamais vraiment : « […] cela n’était pas dû aux mots mais à leur restitution métallique, à cette membrane en vibration, à cette matière chargée d’électricité » ; peut-être à la folie qui couve sous des attitudes civiles ? La solitude ancre les hommes et taraude les âmes, surtout à la Saint-Jean quand le soleil ne se couche plus et ne laisse pas de répit aux esprits. Le liant du roman est son intrigue, son colorant, des mots simples emperlés, son diluant, les paysages des confins de la Suède. Des phrases étonnantes jalonnent ce curieux roman qui relègue en toile de fond l’intrigue policière (un double meurtre commis au bord d’un lac ; dix huit ans plus tard un nouvel homicide perpétré dans les environs) et qui dénotent chez l’écrivain un goût assumé pour l’étude psychologique et sociale. Les retours en arrière, les ellipses et les digressions restituent bien l’état d’esprit méandreux des protagonistes. La structure du récit est habile. Le prologue se continue immédiatement dans la seconde partie du roman ; la première partie s'intercale pour évoquer le passé, à l'instant du double meurtre. Les personnages sont criants de vérité. A mesure que les vies de chacun se précisent, elles se densifient et prennent un relief étonnant. Birger, Annie, Mia ou Johan ont une présence presque tangible. Les personnages secondaires pèsent à plein. La vérité éclate à la fin mais le dénouement, parfaitement imprévisible parce que profondément humain, n'en semble que plus logique, inévitable, imparable. De plus, la nature n’est pas un simple décor. Elle dégage une énergie qui la rend étrangement présente : « Toutes les montagnes étaient blanches et leurs flancs à l’ombre d’un bleu sombre puissant ». Chaque pesée du pied sur la tourbe des marécages a été d’abord ressentie par l’auteur avant d’être transcrite, du moins c’est ce qu’on peut penser à la lecture d’un roman aussi sensuel, fort et incarné.
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[Crimes au bord de l'eau | Kerstin Ekman] |
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Auteur |
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Message |
BMR
Sexe: Inscrit le: 30 Avr 2007 Messages: 155 Localisation: Paris
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Posté: Mer 07 Nov 2007 18:01
Sujet du message: [Crimes au bord de l'eau | Kerstin Ekman]
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Crimes au bord de l'eau, voilà un bien curieux roman.
Un roman nordique où l'action se situe tout en haut de la Suède à la frontière norvégienne, tout près de la Finlande, là où vivent encore quelques «sames» (des lapons).
Un roman nordique où l'on retrouve une nouvelle fois la Saint-Jean et sa folie humaine, quand le soleil ne se couche plus et laisse peu de repos aux âmes.
Un roman où la forêt est omniprésente, presque un personnage à elle seule.
Et les forêts de là-haut, c'est autre chose que par chez nous ...
Un roman étrange, d'abord par l'écriture qui laisse libre champ à l'irruption du physique et des corps : quand les personnages ont froid, ont faim, quand il y en a qui saignent, d'autres qui puent, certains qui ont besoin de pisser, ou de baiser, d'autres qui se font bouffer par les moustiques.
[...] Il trouva vite un petit endroit où le fond de la rivière était dépourvu de cailloux, ce qui lui permit de poser ses pieds de manière stable malgré la vigueur du courant. Puis il se lava comme cela faisait une éternité qu'il aurait dû se laver. Au début le froid lui coupa le souffle, mais il s'habitua, respira moins vite. Se frotta avec les mains. Fit une nouvelle fois mousser le savon et se lava entièrement. L'aine, les bourses, entre les fesses. Sous les bras. Il frotta son cou et ses bras. Il s'accroupit et s'aspergea la tête. Il frotta le savon sur son crâne jusqu'à ce que la peau le brûle.
On peut lire ici ou là que Kerstin Ekman est une auteure réputée pour explorer l'opposition entre nature et culture : ceci explique peut-être cela et nous donne un roman puissant à l'ambiance qui reste longtemps présente.
Au centre de l'intrigue, la vie d'un village tout là-haut (dans une ambiance far-west du nord) avec un médecin à la prescription facile et au couple cahotant, une instit' en rupture de banc d'école, une famille de vauriens, une communauté babacool, une passagère inconnue, deux jeunes en camping, et tous les ingrédients qui font que cette nuit de la Saint-Jean ...
Un roman étrange enfin par sa construction : deux parties, deux crimes.
Au beau milieu du livre, entre les pages 319 et 320, il s'est écoulé 18 ans.
Certains se sont mariés, d'autres se sont séparés. Tous ont vieilli.
Un second meurtre vient soudain rouvrir les plaies qui n'étaient pas tout à fait refermées et l'enquête sur le premier, jamais élucidé, alors qu'au village, 18 ans après : [...] Personne ne parlait de ce qui s'était passé dans la nuit de la Saint-Jean.
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