Comme son titre l'indique, ce roman est la transcription d'une longue lettre que Ramatoulaye, femme sénégalaise, écrit à son amie Aïssatou, en réponse au mot que cette dernière lui a adressé en apprenant son récent veuvage.
Le défunt a laissé la narratrice démunie, endettée, ayant mené grand train durant les dernières années de sa vie avec sa deuxième femme, une ancienne camarade de classe de sa fille aînée, qu'il a couvert de cadeaux, et dont il a luxueusement entretenu la mère.

Institutrice passionnée par son métier, Ramatoulaye a dû se débrouiller pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses douze enfants, mais c'est surtout la solitude occasionnée par cette trahison qui l'a faite souffrir. Bien sûr, aux yeux de la loi, son mari ne l'a pas trahie, puisque la polygamie est admise par le droit sénégalais. Peu importent la douleur subie par l'épouse, l'affront qui lui est fait.
C'est avec beaucoup de force et d'émotion -l'écriture de Mariama Bâ est très belle- que l'héroïne exprime le chagrin qu'elle a éprouvé lorsque vingt-cinq années d'amour et de vie commune ont été balayés pour la fraîcheur et la docilité d'une jeune fille qui allait gâcher ses perspectives d'avenir et d'indépendance en abandonnant ses études pour contenter le démon de midi d'un père de famille vieillissant.
Car Ramatoulaye ne montre aucun ressentiment pour sa remplaçante, consciente qu'elle est aussi une victime d'un système où les femmes n'ont quasiment aucun droit, hormis celui de comprendre l'homme, le pardonner, lui permettre d'assouvir ses instincts. D'ailleurs, le seul fait d'aller au cinéma sans être accompagnée lui vaut des regards réprobateurs...

Et pourtant... elle se souvient avec nostalgie de ses années d'étudiante. L'accession à l'indépendance permettait tous les espoirs, la jeune génération instruite pensait révolutionner le monde. Ramatoulaye est bien un peu amère face au constat du chemin qui reste à faire pour que la femme sénégalaise se libère du joug d'une société patriarcal qui n'a finalement pas vraiment évolué. Mais surtout, elle garde la tête haute. Et puis, sa sensibilité et la combativité de sa fille aînée incitent à espérer cette héroïne qui force l'admiration par son courage et l'amour qu'elle a su garder en elle malgré les déceptions et les difficultés de l’existence.

Un très beau roman, avec lequel Mariama Bâ nous livre de touchants portraits de femmes.

BOOK'ING

Sénégal, années 70s, à l'occasion de la mort de son époux une femme écrit une lettre à son amie et se souviens.
Elle raconte, sa vie commune avec son mari, la trahison de celui-ci, les relations avec sa belle-famille, l'éducation des enfants.
On sent dans son récit l'affrontement entre la "tradition" et la "modernité" : choix de faire des études et de travailler tout en affirmant le rôle de la femme dans son foyer, difficulté à supporter le carcan qui entoure souvent les femmes (mariages arrangés, concubinages forcés, omniprésence de la belle-famille)...
Ce texte est à la fois une histoire touchante et un témoignage qui prend, malgré le contexte, une valeur universelle.

joli livre, histoire bien menée, la complexité de la situation de la femme, entre tradition et modernité, est exprimée clairement, on la découvre petit à petit, au travers des différents personnages.
étrangement, même si durant la lecture je n'étais pas "renversée" ni particulièrement scotchée à l'histoire, une fois le livre refermé il garde une résonance non négligeable (je ne sais pas comment mieux l'expliquer, mais je ne crois pas que je vais l'oublier de si tôt...).

Très beau livre sur les conditions de vie de la femme au Sénégal.
Pendant la période de deuil, une femme écrit à sa meilleure amie une si longue lettre, livrant ses sentiments les plus profonds, son analyse sur sa vie partagée avec son mari puis le partage de celui-ci.
Très émouvant, très bien écrit!

C'est un livre très riche, parce qu'il traite de plusieurs sujets de fond à la fois : La place des femmes en Afrique, le poids des traditions dans la culture africaine, l'amitié...
On se réfère souvent à la culture africaine comme modèle de sagesse, pour ses valeurs basées sur la communauté, la transmission, etc... mais ce qui est montré ici, en nous faisant pénétrer dans l'intimité d'une famille, c'est le revers de la médaille : le carcan que cela peut représenter, en particulier pour la mère, le poids et l'aspect incontournable de la tradition (la polygamie, l'ingérence dans la vie privée etc...) et enfin le côté très futile et vénal, qui est finalement tout aussi présent dans cette société que dans la nôtre.
J'ai pris conscience du gouffre qui sépare la vie sociale de la narratrice, régentée par des protocoles comme celui du deuil, et la modernité de ses idées, l'éducation qu'elle donne à ses enfants, la tolérance dont elle fait preuve à l'égard de sa fille. Il en faut, de la poigne, pour accepter cette vie sans révolte mais sans soumission pour autant !