J'aime beaucoup Pessoa : il me semble qu'il jouit en France d'une renommée inférieure à ses mérites. J'ai été attiré par cette nouvelle peu connue parce que j'adore aussi ce topos littéraire - l'anarchiste grand bourgeois voire aristocrate - qui a traversé différentes littératures tel un météore (cf. entre autres Lady L. de Gary).
Les sophismes facétieux contenus dans ce monologue rarement interrompu par un contradicteur, de la bouche de l'anarchiste "mon ami le banquier, grand commerçant et accapareur notable" tendent à l'auto-justification, intenable de par son statut social, et à la négation des contradictions qu'implique sa posture. Ils relèvent d'une ironie pointue et subtile, tout en révélant la teneur des débats, à l'évidence encore actuels dans ces années-là (parution en 1922), au sujet des "doctrines [sociales] d'avant-garde".
Au-delà de l'intention narrative sarcastique et du goût du paradoxe - notamment par rapport à la problématique de la vérité qui caractérise l'auteur par ailleurs - on peut savourer les termes surannés de ce débat : les concepts de liberté, d'ordre social "naturel", de "régime révolutionnaire"...