Journal sans découpage chronologique, La Consolation des grands espaces est le récit de la renaissance d’une femme meurtrie par le deuil, frottée à l’âpreté des paysages du Wyoming : « L’espace a un équivalent spirituel et peut guérir ce qui est divisé, pesant en nous-mêmes ». Des considérations générales, sociologiques, historiques, des anecdotes extraites du quotidien émaillent le discours intérieur de la narratrice. Loin des clichés, elles sont destinées à rendre compte du vécu, des comportements, de l’atmosphère et de l’essence du Wyoming. « Ce qui pour les Indiens représentait une source de vie était le cauchemar des fermiers qui étaient arrivés encombrés de leurs familles et de leurs traditions pour s’implanter dans ce pays pratiquement inhabitable. Les énormes distances, la pénurie en eau et en arbres ainsi que la solitude leur infligeaient des souffrances auxquelles ils n’étaient pas préparés. » Les grands espaces désertiques imprègnent et modèlent les esprits. Les saisons modifient les façons d’être : « Pendant le solstice d’hiver, il fait -34°… nos liens avec nos voisins ne peuvent plus être négligés car c’est une question de vie ou de mort ».
Ce petit livre de 172 pages ne se dévore pas d’une traite. Il se sirote, les yeux voyageurs, à l’image de la femme photographiée en couverture. Les courts chapitres ont des intitulés laconiques ou sibyllins : « Autres vies ; Des hommes ; Orage, champ de maïs et wapiti… » Le récit est surtout composé de comptes-rendus. Parfois, l’écriture prolonge l’anecdote et ouvre sur une brève réflexion philosophique avec une portée poétique : « Observé avec intensité, le monde se transforme » ; « Dans la nature, il n’y a ni récompense ni châtiment, seulement des conséquences ». Récit de vie, de limbe et de renaissance, il y a peu de place laissée aux autres auteurs mais cela n’exclut nullement la profondeur de la pensée et la portée du témoignage.
|