Je n'avais entendu parler ni du livre, ni de l'auteur lorsque je l'ai "croisé" en librairie et c'est cette phrase de Jim Harrison qui m'a décidée à tenter l'aventure : "Mon vrai problème avec La Rivière des Indiens a été de déterminer si c'était un chef-d'œuvre ou simplement un classique américain."
Un peu des deux sûrement... D'abord, il n'est pas question d'Indiens ici, mais d'un pays sauvage, d'une Terre rude et farouche, violente et implacable. C'est surtout l'histoire d'une damnation et d'un espoir de rédemption pour le personnage principal. Habité par les drames de son passé il part convaincu de porter en lui une souillure lui interdisant à tout jamais la paix de l'âme, en quête d'un pardon impossible, le plus difficile à trouver, celui que l'on s'accorde à soi-même.... Et c'est cette Terre hostile, comme ses habitants, qu'il choisit après des années d'errance comme l'on choisirait une punition.... Accompagné de Sally, une jeune prostituée qu'il rudoie et maltraite d'abord, certain d'être devenu incapable de bonté ni de tendresse. En laquelle il voit sûrement un peu comme un reflet, sa propre impureté.
C'est le portrait de cet homme taciturne et dénué de compassion envers ses semblables autant qu'envers lui même... Son histoire dans un pays ravagé par les luttes entre les habitants et les autorités, un pays gorgé de sang où la vie d'un homme paraît si insignifiante.
Jusqu'au moment où le passé surgit, enfin.....
L'auteur dépeint tout cela dans un style fluide et sans temps morts comme le récit, choisissant un vocabulaire tout aussi vif et brutal que l'atmosphère générale du livre . L'écriture parfois aussi crue que les scènes décrites, parfois plus douce, le temps d'une pause.... Parfois s'envolant dans un lyrisme nu et bouleversant.....
Bref, j'ai adoré ce livre!!!
Morceaux choisis :
" Et elle cria de plus belle et le chien et le bœuf y allèrent de leurs plaintes rugissantes, si bien que les ténèbres se remplirent d'une musique qui résonnait comme une profanation à la face de la vieille terre silencieuse et stoïque."
"Son silence brisé s'avérait l'ultime profanation, la démonstration indiscutable et irréversible de son ratage. Ce silence qui avait été son seul acte commémoratif, son seul véritable acte de contrition. De ce silence il avait fait sa vie, une vie entièrement dédiée à la mémoire de la profanation. Et de son être il avait fait le valet de ce mutisme. Pauvre offrande de lui même au vaste silence de l'océan de la nuit qui était là, toujours, autour de lui."
"Dieu est muet en ce qui me concerne. Comme il est juste qu'Il le soit. S'Il m'a jamais accordé Sa grâce, je l'ai consommée. Aussi sûr que cette chandelle-là, devant moi, est morte. J'en ai absorbé chaque goutte sans même savoir ce que je faisais. Et une fois qu'elle est épuisée, c'est définitif. Il n'en possède pas des réserves illimitées comme voudraient nous faire croire les prédicateurs."
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