L’infime part de midinette en moi a toujours eu un faible pour Bernard Giraudeau (depuis toute petite, je craque…). La part restante –la majorité, donc- se méfie comme de la peste de ces acteurs, chanteurs, politiques qui se découvrent un jour des velléités littéraires. N’est pas écrivain qui veut, tout de même ! C’est pourquoi, lorsqu'une copine m’a conseillé « Les hommes à terre », j’étais très sceptique. Mais bon, elle est généralement de bon conseil, et j’ai finalement décidé, une fois de plus, de lui faire confiance… et je ne le regrette pas ! L’ouvrage est court mais paraît dense, parce qu’il est composé de plusieurs récits (cinq, pour être exacte) que j’ai trouvés riches et émouvants. Saviez-vous qu’avant d’être comédien, Bernard Giraudeau avait travaillé dans la Marine nationale en tant que mécanicien, et qu’il a ainsi fait deux fois le tour du monde ? Dans « Les hommes à terre », on ressent en permanence son amour de la mer, des hommes de la mer* (qui « sur terre ne valent rien »), sa fascination pour les escales portuaires, avec sa faune bigarrée, ses bouges à putes, ses odeurs de fuel et de poissons. Il dépeint ce monde avec familiarité, crudité parfois, mais avec toujours un respect immense pour tous ces hommes qui partent sans assurance de retour, ces femmes qui les attendent ou qui ne les attendent plus, celles –les réelles ou les fantasmées- qui les réconfortent et soulagent leur désir le temps d’une nuit.
Il traque, derrière la rudesse des uns ou la discrétion des autres, la générosité, le courage, la beauté cachée…, tout ce qui enfin fait d’eux des êtres exceptionnels, si on prend la peine de les écouter et de les regarder vraiment, d’écouter leur histoire. Parce qu’à chaque nouvelle correspond bien une histoire, d’amour perdu ou impossible, de marin désœuvré parce qu’en cale sèche, de voyage à l’autre bout du monde... A chaque fois, la mélancolie est présente, mais l’auteur, qui marie avec justesse réalisme et poésie, ne verse jamais dans le larmoyant. A l’issue de cette lecture, mon être tout entier assume un gros faible pour Bernard Giraudeau !
*Dans le 1er récit uniquement, il n’est pas question de marin, mais l’on y retrouve malgré tout ce thème du voyage, de l’amante au loin qui attend son homme revienne.