Le narrateur, Richard Molteni, est un jeune homme qui rêve de devenir écrivain et dramaturge. Mais il a épousé il y a deux ans Émilie, il en est très amoureux et après avoir vécu quelques temps tous les deux dans un meublé, il accepte un travail de scénariste que lui propose le producteur Battista même si ce travail ne lui plaît guère car cela va lui permettre d'acheter, à crédit, l'appartement dont rêve Émilie. Quand ils emménagent dans leur nouvel appartement, Emilie annonce à Richard qu'elle préfère qu'ils fassent chambre à part. Richard va n'avoir de cesse de comprendre pourquoi quelque chose a changé dans l'attitude d'Emilie à son égard. Une fois le premier scénario achevé, Battista propose à Molteni de travailler sur un nouveau film, avec le réalisateur allemand Rheingold, qui sera une adaptation de l'Ulysse d'Homère. Il a peu envie de s'engager dans ce travail mais Battista propose que lui-même, Rheingold, Richard et sa femme se retrouvent quelques jours dans sa villa de Capri pour travailler sur le scénario d'Ulysse. Richard finit par accepter et ils se retrouvent tous ensemble dans une belle villa qui fait face à la Méditerranée.
La grande force du roman tient dans le parti-pris de l'auteur de nous raconter l'histoire uniquement au travers de ce que perçoit, ressent, comprend le narrateur. Le lecteur est dans la tête de Richard Molteni et uniquement là. Et nous assistons, impuissants, à la dérive de cet homme amoureux qui voit son amour se défaire avec comme torture supplémentaire le mépris que sa femme avoue ressentir pour lui. Ses efforts pour rationaliser cette situation, pour argumenter, pour contre-attaquer, pour sauver sa mise peuvent nous sembler pathétiques, voire méprisables, mais on peut y voir aussi une certaine forme d'héroïsme, cet héroïsme des faibles que défendait Romain Gary.
Histoire dans l'histoire, Moravia a placé son roman sous le signe d'Ulysse. Rheingold, le réalisateur allemand, voit dans cette épopée le récit d'un homme qui fait tout pour ne pas rentrer chez lui, car, selon lui, Ulysse et Pénélope ne sont pas heureux en ménage. Ulysse serait même méprisé par Pénélope car, avant de partir pour la Guerre de Troie, il n'aurait pas eu le courage de chasser les prétendants qui tournaient autour de sa femme. Bien-sûr Molteni s'insurge contre cette version psychanalytique du livre d'Homère. Mais elle l'obsède néanmoins et dans le roman de Moravia, cette fois c'est l'homme (Richard) qui reste sur l'île, tandis que sa femme s'en va. Emilie, spontanée, franche, entière et prévenante est le personnage fort du roman, alors que Richard ploie et s'effondre. A travers les yeux de Richard, nous assistons au passage du sceptre entre l'homme et la femme. Pénélope peut bien désormais se passer d'Ulysse.
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