Un livre d'une étonnante clarté : l'écriture de Primo Levi est un modèle quand il s'agit de questions extraordinairement complexes. C'est d'ailleurs un caractère sur lequel il revient constamment.
On se souvient de "Si c'est un homme" rédigé au retour des camps, alors que les souvenirs sont encore chauds et l'émotion vive.
Quarante ans après, il aborde de manière beaucoup plus froide et analytique un certain nombre de thèmes récurrents auxquels il a été confronté lors de rencontres avec son public : la "zone grise" qui est beaucoup plus large que celle présentée par l'histoire officielle trop souvent manichéenne, la question de la mémoire, la communication impossible avec les oppresseurs, la place des intellectuels, la violence inutile...
Il termine par la présentation de quelques échanges épistolaires avec des Allemands, jeunes ou vieux. Très instructif.
Ce livre est paru à la fin de 1986, quatre mois plus tard, Primo Levi se suicidait. Il est difficile de ne pas lier les deux évènements.

Dans ce livre, Primo Levi (ancien déporté juif d'Auschwitz du camp de concentration nazi de Birkenau) expose ses craintes sur la possibilité d'autres génocides. Il évoque également le négationnisme et publie quelques correspondances avec des Allemands plus ou moins proches du pouvoir nazi de l'époque. Un livre d'une importance capitale qui laisse un goût amer sur la nature de l'homme


L'univers concentrationnaire allemand, la Déportation et la Shoah, constituent sans aucun doute la page la plus noire du XX°siècle et « le plus grand crime de l'histoire ». Levi propose un commentaire sans appel, dans Les naufragés et les rescapés :

« Le système concentrationnaire nazi demeure une chose unique, tant par les dimensions que par la qualité. Dans aucun autre lieu ni temps on n'a assisté à un phénomène aussi soudain et aussi complexe : jamais autant de vies humaines n'ont été éteintes en si peu de temps, et avec une combinaison pareillement lucide d'intelligence technique, de fanatisme et de cruauté. »[1]

Or, les nazis déclaraient cyniquement à leurs victimes que, si par miracle ils en réchappaient, le monde ne les croirait pas. Pourtant, un certain nombre de détenus trouvent la force de survivre pour témoigner, plus tard, de ce qu'ils ont vécu, et de résister ainsi au « naufrage spirituel ».



Le Bookcrossing

Une analyse de l'univers concentrationnaire par un témoin de premier plan : Primo Levi. Extrait : "Ce livre veut contribuer à éclairer certains aspects du phénomène Lager qui semblent encore obsccurs. Il se propose aussi une fin plus ambitieuse : il voudrait répondre à la question la plus urgente, celle qui angoisse tous ceux qui ont eu l'occasion de lire nos récits : de ce monde concentrationnaire, quelle part est morte et ne reviendra plus, comme l'esclavage et le code du duel ? quelle part est revenue ou est en train de revenir ? que peut faire chacun de nous pour que, dans ce monde gros de menaces, celle-ci au moins se révèle vaine? "

Magistral !

Ce livre est juste terrible et important. Sur la dépersonnalisation de la victime et du bourreau, sur comment l'homme peut devenir bourreau, sur les rapports entre bourreaux et victimes. Primo Levi réfléchit à son expérience des camps et essaie de lutter à travers ses mots contre l'indifférence et "l'accoutumance à la dégradation de l'humain". L'écriture est comme d'habitude chez lui sans pathos excessif et très très lucide. A lire, vraiment.