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Notation moyenne de ce livre : (3 livres correspondant à cette oeuvre ont été notés)

Mots-clés associés à cette oeuvre : 18e siecle, litterature, rousseau, uchronie

[Fils unique | Stéphane Audeguy]
Auteur    Message
BMR



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 30 Avr 2007
Messages: 155
Localisation: Paris

Posté: Lun 30 Avr 2007 21:09
MessageSujet du message: [Fils unique | Stéphane Audeguy]
Commentaires : 0 >>

Voici, pour les amateurs, une uchronie, sous la forme des fausses mémoires du vrai frère de Jean-Jacques Rousseau : Fils unique de Stéphane Audeguy.
Même période (le début du XVIII° et Louis XV) et même air du temps : les Lumières d'avant les bouleversements révolutionnaires et les automates (on y croise Vaucanson et son canard qui crotte).
Le tout sur un ton très libertin puisque ce frère coquin de JJ. Rousseau s'essaye consciencieusement à toutes les polissonneries de son époque, et va même jusqu'à côtoyer le marquis de Sade à la Bastille.
Le style de S. Audeguy est travaillé, son roman historique est classique mais aussi rigoureux.

[...] La France sait reconnaître ses penseurs, mais c'est quand ils sont morts. Ainsi elle épargne aux vivants la peine de les lire.
[...] Je crois que la variété des cons et des corps n'est pas moins grande ou moins plaisante que celle des visages. Une tête après tout a moins de plis charmants qu'un con; il est des sexes imbéciles, mornes et sans expression, d'autres, au contraire, avenants et joyeux comme des visages amis. Enfin jai trouvé que cette face-là mentait moins que l'autre; et c'est peut-être pourquoi l'on cache la première et que l'on montre la seconde.
[...] J'assistai donc, d'une des fenêtres de l'Hôtel municipal, au premier usage de la guillotine. Lorsque le couperet tomba, il y eut une rumeur sinistre dans la foule. Je crus qu'elle s'indignait, et je me méprenais. Un vieil officier municipal me détrompa : la foule grondait devant un spectacle aussi bref et aussi dépouillé, et elle regrettait les potences, les tortures, les cris et les contorsions des condamnés. [...] D'ailleurs l'inhumanité du procédé m'apparut dans toute son horreur; l'avenir montra que cette mécanisation poussait les juges plus facilement à la condamnation.
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[Fils unique | Stéphane Audeguy]
Auteur    Message
bertrand-môgendre



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 10 Mar 2007
Messages: 88
Localisation: ici et là

Posté: Lun 02 Avr 2007 13:54
MessageSujet du message: [Fils unique | Stéphane Audeguy]
Commentaires : 0 >>

Fils unique de Stéphane Audeguy

Présentation de l'éditeur
" On n'a plus eu de ses nouvelles depuis ce temps-là, et voilà comment je suis demeuré fils unique", écrit dans ses Confessions Jean-Jacques Rousseau en évoquant son frère aîné, ce François Rousseau contraint de quitter Genève où les choses pour lui avaient mal tourné. Jean-Jacques tenait François pour un polisson et un libertin. Ce dernier apparemment ne l'a jamais démenti, qui n'a pas jugé nécessaire de nous laisser récit de sa vie. Il m'a semblé intéressant de remédier à cette négligence. S. A.

Biographie de l'auteur
Stéphane Audeguy vit à Paris. Il enseigne l'histoire du cinéma et des arts dans un établissement public des Hauts-de-Seine. Il a publié en 2005 son premier roman, La théorie des nuages, chez le même éditeur.

Mon commentaire :

Ah ! Enfin une écriture plaisante à l’oreille, sirotant quelques savoureux délices de la langue française. Une mauvaise tournure dès la première page (la république sait reconnaître ses penseurs, mais c’est quand ils sont morts) confirmée par le groupe de LU, m’indispose quelque peu un instant seulement car vite oublié par l’avalanche d’agréables « joliesses » grammaticales.
Cette anicroche prédisposait le thème à une sévère critique du beau parti Rousseau ennoblit par nos pairs, déifié par les inconditionnels chercheur de vérité, obnubilés par la compréhension de la nature humaine. Car Rousseau est un gros morceau. Rousseau pacifie les esprits autant qu’il les dérange dès lors qu’il sollicite plus d’humanité dans les rapports sociaux, de justice, de simplicité.
Son frère François, vit dans l’ombre tel le contraire à ses principes d’authenticité, usant du mensonge et de la violence pour connaître luxe et artificialité des rapports superficiels. Ainsi dépeints, les personnages de cette famille Rousseau nous entraînent dès la prime enfance genevoise, dans une ambiance dix huitième siècle fort bien décrite, abondamment illustrée d’anecdotes aussi « pompeuses » (p.29) qu’intimistes (le dépucelage du héros avec la bergère Denise). Que dirait-on à notre époque, de ces femmes couveuses de marmots, épancher sans ciller, la ferveur précoce d’un garçon de six ans ? (j’émets là tout de même, un soupçon sur la cohérence des propos).

Les recherches fouillées sur le quotidien d’une époque si lointaine (mais très documentée), donne à l’ouvrage le ton de la véracité des images induites. Le scandale dénoncé par l’association de « l’enfant bleu », et ici relatée par Stéphane Audeguy, n’est pas une honte contemporaine, mais bien une réalité ancrée dans les mœurs depuis que l’homme vit en société ; déviance ancestrale liée aux perversions sexuelles de notables fortunés, d’aristocrates agissant dans l’ombre sordide des faussetés maladives dues à leur rang.
Au fur et à mesure que s’éloignait la présence de Jean-jaques , s’érigeait peu à peu le priape magistral dans la vie mouvementé de François : je perdis quelques instant le goût de la lecture. Cette débauche d’ambiance orgiaque, loin d’être scabreuse atténua le propos rondement élaboré, musela la joie première ressentit lors de la partie « enfance » de l’ouvrage.

Je dois reconnaître que l’auteur est une vraie plume littéraire. Vieux jeu pour certain, nécessaire pour moi dans l’espace culturel livresque (pauvre à mon goût), permettant de dévoiler toutes les richesses de la langue française. Comme du Boucheron m’enthousiasma avec l’utilisation d’un vocabulaire précis, riche, Audeguy agrémente ses lignes de propos élaborés, façonne ses phrases à la manière d’un artisan modeleur, raffine son œuvre par de délicates pointes d’extase « à la française ».

Le rebondissement arrive alors lorsque l’Adam cloacal et l’Hercule libertin devinrent les objectifs prioritaires de la vie de notre horloger voyageur, obstiné par cette lubie du mouvement perpétuel, recherche destinée malheureusement ici, à la luxure.
La révolution française initiée par le peuple passe aussi par le mouvement de libération de la femme. François trouve après Paris (tenancière d’une maison de con-plaisance), une nouvelle compagne la fameuse Sophie. Sophie active la révolte des femmes, d’une main de fer, prenant à parti (j’ai bien dit « à ») les hommes encore très arriérés dans leur idées égalitaristes. A ce stade du récit, il est impressionnant de constater que du dix huitième siècle à nos jours le statut de la femme a certes trouvé quelques améliorations mais, restent d’actualité, certaines injustices nuisibles au bon fonctionnement de notre société « moderne ». Sophie, drapeau tricolore porté haut, ressemble à cette Marie-Anne républicaine haranguant le peuple au dessus des barricades révolutionnaires en chemin vers la liberté.

François Rousseau vécu sans laisser de trace. Jean-Jacques vit encore dans la mémoire collective.
François invente un système genre mécanique perfectionnée (mue pour procurer du plaisir) dont les ressorts en mouvement ne peuvent rien d'autre, sinon donner du bestial plaisir, sans jamais y affecter de sentiments quelconques.
Jean-Jacques adopte un système tel une anthropologie qui met en place les ressorts de l’action humaine, ses principes. Ainsi il se rapproche de la vérité quand il écrit dans le deuxième dialogue « la sensibilité est le principe de toute action. Un être quoique animé, qui ne sentirait rien n’agirait point car où serait pour lui le motif d’agir ? »

Lisez le pour connaître un beau moment littéraire. Si l’ennui vous gagne, persistez et surtout n’abandonnez pas, vous risqueriez de passer à côté d’une belle prose.(bertrand-mogendre)
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