"En attendant Godot"... je ne sais pas pour vous, mais ce titre avait pour moi la consonance du mythe. "En attendant Godot", c'était LA quintessence de la littérature de l'absurde. Impossible de vous dire qui m'a mis cette idée dans la tête... quant à vous confirmer qu'après lecture, ce titre reste toujours pour moi enveloppé de son aura de légende...
D'ailleurs, Samuel Beckett lui-même semblait bien embêté par tout le foin fait autour de sa pièce. Ou faisait semblant de l'être... m'avait en effet l'air d'être bien facétieux, l'animal. Voyez plutôt :
"Je ne sais pas plus sur cette pièce que celui qui arrive à la lire avec attention. [...] Je ne sais pas qui est Godot.
Je ne sais même pas, surtout pas, s'il existe. [...] Quant à vouloir trouver à tout cela un sens plus large et plus élevé, à emporter après le spectacle, avec le programme et les esquimaux, je suis incapable d'en voir l'intérêt. Mais ce doit être possible."
... ou encore :
"Vous me demandez mes idées sur "En attendant Godot" dont vous me faites l'honneur de donner des extraits au Club d'essai*, et en même temps mes idées sur le théâtre.
Je n'ai pas d'idée sur le théâtre. Je n'y connais rien. Je n'y vais pas. C'est admissible.
Ce qui l'est sans doute moins, c'est d'abord, dans ces conditions, d'écrire une pièce, et ensuite, l'ayant fait, de ne pas avoir d'idées sur elle non plus.
C'est malheureusement mon cas".
Je vous vois trépigner... (et vous avez sans doute raison) : "c'est bien beau les citations, mais c'est un peu facile, et elle va nous le donner son avis, oui, sur ce fichu Godot ?"
L'intrigue est simplissime : Vladimir et Estragon attendent Godot... qui ne viendra jamais (mais ça, je suis sûre que vous le saviez déjà). Plantés sur une route de campagne, ils patientent, et ce faisant, échangent quelques propos souvent sans queue ni tête, les deux compères ayant parfois du mal à se comprendre. Leur attitude elle-même est assez étrange, comme gouvernée par une sorte de fébrilité qui tourne parfois à l'agressivité. L'attente est interrompue par le passage d'un tandem non moins atypique, composé d'un dénommé Pozzo et de son serviteur Lucky, tenu en laisse par le premier, qui le traite comme une bête de somme. Cette rencontre est l'occasion de situations grotesques mais aussi anxiogènes, car empreintes d'une certaine violence.
Pour être honnête, je ne crois pas que je conserverai de cette lecture un souvenir impérissable. Ceci dit, comme toute pièce de théâtre, il aurait sans doute été plus pertinent de la voir jouée, pour en apprécier pleinement la cocasserie. J'ai tout de même pris de plaisir à lire ses dialogues loufoques, j'ai même ri par moments. De là à tenter d'y voir la métaphore de quelque questionnement existentiel sur le passage du temps, où sur la futilité de nos pitoyables vies... mouais, je laisse cela aux esprits plus subtils (ou plus tordus) ! En ce qui me concerne, c'est avec une approche ludique que j'ai abordé ce satané Godot... et compte tenu de ce qu'en dit Samuel Beckett ci-dessus, je ne crois pas qu'il m'en aurait voulu !
(*Emission radiophonique diffusée à partir de la fin des années 40, considérée comme "programme laboratoire pour le perfectionnement de l'art radiophonique". Les citations sont extraites d'une lettre que Samuel Beckett adressa à Michel Polac qui l'intégra dès 1947.)
BOOK'ING