Le personnage principal du roman de Larry Beinhart est un agent d'assurances chauve aux tendances exhibitionnistes, qui mange des rognons au petit déjeuner...
Mais noooonnnn, je blaaaaaague...
Bien sûr, que le héros de ce roman est bibliothécaire. Même qu'il porte des lunettes, qu'il est de tempérament plutôt paisible, et qu'il a souvent à l'esprit une référence littéraire -un extrait de poème, la citation d'un personnage- pour illustrer ce que lui inspirent les gens ou les événements.
Malheureusement pour notre sympathique bibliothécaire (qui se nomme David Goldberg, pour ceux que cela intéresse) , un concours de circonstances va lui faire croiser la route d'Alan Stowe, un richissime financier proche des milieux républicains, dont il est l'un des principaux pourvoyeurs de fonds. Malheureusement parce que cette rencontre intervient en pleine campagne présidentielle, et que certaines personnes craignent que David ne tombe sur des documents compromettants en s'occupant du classement des papiers du sieur Stowe. Il va par conséquent être traqué impitoyablement suite à un malentendu car en réalité, du moins au moment où débute cette traque, il n'a rien découvert du tout. En revanche, ce subit intérêt pour sa petite personne éveille sa curiosité, et il va finalement tout faire pour en savoir plus...
J'ai l'air de prendre ça à la légère, mais en vérité, "Le bibliothécaire" est un récit ATTERRANT. Larry Beinhart nous emmène dans les coulisses du pouvoir politique américain et de ses manigances de haut vol, dans un milieu où tous les coups sont permis, et où le dieu Dollar est le sésame qui vous ouvre toutes les portes.
Le contexte de l'intrigue ne laisse planer aucun doute : la période est celle de l'après-11 septembre, et le président en exercice, même s'il se nomme Scott, est aisément reconnaissable... ultra-conservateur, obnubilé par la lutte contre le terrorisme, d'une intelligence médiocre mais entouré d'hommes de poigne, il a en commun avec ces derniers d'être persuadé du bien-fondé de ses convictions et des actions qu'il entreprend pour rendre le monde meilleur, et maintenir la suprématie de ce pays grandiose que sont les Etats-Unis !
C'est d'ailleurs cela qui fait peut-être le plus froid dans le dos : à l'image des nations impérialistes qui justifiaient les aléas de la colonisation par les bienfaits qu'elle était censé prodiguer (par exemple en scolarisant les autochtones, ou en les faisant bénéficier des avancées scientifiques occidentales), Scott et ses partisans se font fort de défendre un noble idéal. A leurs yeux, dominer la planète par le big business essentiellement américain, avec le soutien de leur puissance militaire, quitte à déclencher au passage quelques guerres pour asseoir cette hégémonie, passerait presque pour un immense service qu'ils rendent au monde !
"La vertu est plus à craindre que le vice, car ses excès ne sont pas soumis aux prescriptions de la conscience", citerait notre bibliothécaire...
Ce qui est effrayant aussi dans ce roman, c'est de voir à quel point il est facile, pour ceux qui en ont les moyens, de manipuler l'opinion avec l'aide des médias. La campagne présidentielle est surtout une bataille pour le contrôle du temps d'antenne, puisque "la manière dont les choses apparaissent à l'écran est devenue la clef du pouvoir", et que la manipulation de l'information est le meilleur moyen de conquérir l'opinion.
Ce qui me laisse dubitative quant à la capacité d'analyse des électeurs, qui se contentent peut-être trop souvent de la télévision comme seul canal d'information, et qui se laisse bien facilement convaincre par ce qu'un individu dégage d'autorité et d'assurance, sans chercher à comprendre le fond de son discours.
D'où l'intérêt de développer le taux de fréquentation des bibliothèques !
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