Le triomphe de Mefisto.
Dans le pueblo mexicain de Caborca, la Guardia Rural, sous la coupe de Yama, le fils de Mefisto, assiège Tex, son fils Kit et Narbas, le mage hindou revenu d'entre les morts. Pendant ce temps, Yama en personne arrive à neutraliser Padma, le moine tibétain, ancien maître de Mefisto. Sachant la vie de Padma menacée, les rangers pistent Yama et ses affidés mais des pièges multiples et des maléfices mortels protègent la fuite et le repaire des mages noirs, père et fils.
16 pages supplémentaires ont été nécessaires pour clore l'histoire débutée au numéro 741, Sierra Nevada, continuée avec les numéros 742, Il ritorno di Padma et 743, Nel deserto di Altar soit plus de 450 planches dessinées par Fabio Civitelli, pilier de la série Tex Willer depuis 1984. Son trait fin et soigné est immédiatement identifiable. Si son graphisme peut paraître académique et quelque peu rigide, une force et une élégance en émanent. Mauro Boselli, scénariste prolifique et chevronné, n'a pas hésité à étoffer son récit afin d'honorer un grand méchant récurrent. On peut seulement s'étonner en s'apercevant que l'histoire verse dans le merveilleux avec la réincarnation et la résurrection de Narbas et s'éloigne du cadre formaté de la série.

Dans le désert d’Altar.
À Pilares, le domaine d’El Morisco, le paranormal est une science occulte qui accapare l’attention et l’énergie de l’indéfectible ami de Tex Willer. Dans le refuge mexicain du savant encyclopédiste, le ranger et ses pards ainsi que Padma, moine tibétain naguère maître du disciple Mefisto, tentent, avec l’aide du chercheur égyptien, de dénicher le sinistre malfaiteur pour l’empêcher de nuire. Revenu d’entre les morts, Narbas, mage hindou de qui Mefisto s’est accaparé l’enveloppe corporelle, se joint au groupe de Tex Willer. Bien qu’affaibli, il est reconnaissant de s’être extrait des limbes et il peut sentir à distance la présence du prédateur mégalomane. Les amis remontent la piste et entreprennent la traversée du grand désert d’Altar, immense champ de dunes ponctué de massifs granitiques arides, en direction du golfe de Californie. Le pueblo de Caborca est un piège car Yama, le fils de Mefisto, veut briller de sa propre lumière infernale. Il a pris possession de l’esprit des rurales, la police locale mexicaine, apte à malmener Tex et ses pards.
L’année 2022 commémore Mefisto, ennemi récurrent de Tex Willer. Mauro Boselli s’est attelé à la tâche de réunir la famille Dickart soit Mefisto, sa sœur Lily, le fils Yama, le fidèle serviteur hindou Padmir et l’intrigante infirmière psychiatrique Ruth. Du côté des forces du bien, si El Morisco et son fidèle majordome Eusebio ont pu constituer la base de départ, Tex Willer, son fils Kit Willer, son frère de sang Tiger Jack et son partenaire de presque toutes les aventures, Kit Carson forment le quatuor indivisible que Mefisto cherche à anéantir. Padma, le moine tibétain, ancien maître du machiavélique Dickart et Narbas naguère acolyte de Mefisto se joignent à l’équipe justicière. Le scénariste a mis dans la balance des forces antagonistes de même calibre et il a inversé le processus. Mefisto est caché et c’est Yama qui prend les devants et part à l’encontre des justiciers en marche. Le numéro suivant verra la confrontation entre Tex et Mefisto. Fabio Civitelli, âgé de 68 ans en 2023, demeure un dessinateur productif puisqu’il aura réalisé pour cette histoire anniversaire pas moins de 472 pages ainsi que les 48 planches du dernier album couleur.

Le retour de Padma.
A la prison de Yuma, le directeur s’est entiché de la détenue Lily Dickart, sœur fatale de Mefisto. Mal lui en a pris car le frère létal, sous les traits d’un shérif, vient libérer sa sœurette. Pour les Dickart, les vies humaines ne comptent à leurs yeux qu’une fois asservies. Dans une île du golfe de Californie, ils trouvent un refuge inexpugnable. De leur côté, Tex et ses pards, combattants inlassables de Mefisto, ont été rejoints par le moine tibétain Padma possédant des capacités parapsychiques capables de rivaliser avec celles de Mefisto. Les rangers et Padma se rendent chez El Morisco afin de fourbir leurs armes et d’élaborer un plan pour contrecarrer le mal absolu en marche. Padma entreprend un voyage spirituel aux portes des ténèbres afin de s’associer à une âme errante dans les limbes, Narbas, éliminée par Mefisto et désireuse de se réincarner en échange de son aide.
Le second volet de l’aventure imaginée par Mauro Boselli présente les forces antagonistes qui se préparent chacune à l’affrontement. L’histoire flirte avec le fantastique et Kit Carson, en bon rationaliste, tente de relativiser des comportements qui le dépassent. Comment la poudre peut-elle vaincre des démons s’agitant dans une autre dimension ? L’art du scénariste consiste à crédibiliser, c’est-à-dire à inscrire dans un western canonique, un récit qui semble totalement incongru. Il y réussit pleinement d’autant que le personnage de Mefisto dispose d’une place indétrônable dans le panthéon de la saga. Fabio Civitelli est un dessinateur aguerri de la série. D’un trait précis et souple, il découpe, ordonne, compose et donne vie d’une façon stylée et immédiatement identifiable à une aventure attachante qui se déguste case à case.

Sierra Nevada.
Lama au temple tibétain du Dragon rouge, Padma fut le maître en magie de Mefisto avant que ce dernier ne se voue à la magie noire. Le sage sur la voie de la purification apprend que Mefisto est toujours vivant. Au même moment, en Californie, dans la Sierra Nevada, Tex et ses pards atteignent le bourg de Last Chance City où Mefisto, son fils Yama et des complices sont réfugiés dans le cabinet médical du docteur Watkins. Malheureusement pour les rangers, Mefisto prend possession des esprits à distance. Médecin et forces de l'ordre se retournent contre Tex. Le bandit diabolique s'enfuit, manipule mentalement un capitaine et embarque sur le lac Tahoe alors qu'une tempête éclate. Il pourrait avoir sombré, corps et âme damnés mais Padma s'est rendu auprès de Tom Devlin, officier de la police de San Francisco et il lui assure que le diable est toujours de ce monde.
2022 est une date anniversaire pour Mefisto, personnage emblématique de la série Tex Willer créé il y a plus de soixante-dix ans déjà puisque sa première apparition date de 1949, seulement un an après le début des aventures de Tex. L'ennemi juré est récurrent. Éliminé, il renaît de ses cendres maudites avec l'appui de démons patentés. Particulièrement retors, il fourbit sa haine au gré de ses déconfitures. Machiavélique et grandiloquent, le super bad ne peut s'empêcher de parader et de s'émerveiller de son esprit satanique. C'est à ce moment que les bons génies en profitent pour le frapper. Qu'importe les coups quand on a l'ivresse de la haine ! Fabio Civitelli a travaillé durant quatre années sur la nouvelle aventure de Tex aux prises avec Mefisto. Après la maestria des frères Cestaro au trait charbonneux dans les numéros précédents avec Mefisto en peste star, Civitelli propose son beau dessin soigné, finement hachuré. Les aficionados évoluent en terrain connu pour leur plus grand plaisir.

Bedlam.
Tex Willer et Kit Carson sont tombés entre les mains de leur pire ennemi, le démoniaque Méphisto qui prend le temps et le plaisir de les torturer avec des images mentales ignobles. Pactisant une nouvelle fois avec les forces infernales, Méphisto obtient la libération de son fils Yama qui demeure néanmoins très affaibli après son aliénation sous un charme diabolique. Méphisto lance ses sbires dans San Francisco afin de capturer Kit Willer et Tiger Jack pour parfaire sa vengeance maladive. La partie est rude pour les rangers et les policiers car Méphisto dispose de ressources surnaturelles et ses serviteurs sans âme sont dévoués de tout corps.
Le scénariste sait avancer ses pions, ménager le suspense et sauvegarder l’essentiel, la dangerosité grandiloquente de Méphisto et l’efficacité proverbiale de Tex Willer. Renouveler le combat sans changer les protagonistes est une gageure réussie. Mauro Boselli connaît son Tex sur le bout des doigts. Les frères jumeaux Cestaro demeurent époustouflants avec un trait souple et précis, un rendu des expressions unique, des cadrages et des angles de vue nerveux. Chaque case est un enchantement. On peut espérer qu’un jour leur graphisme magnifique se déploie dans un plus grand format pour qu’il soit encore plus admirable. Claudio Villa réalise une couverture en couleur qui fait référence au Prince Valiant d’Harold Foster. Le dessin de Foster atteignant déjà des cimes, Villa ne tremble pas face au maître américain et délivre une illustration en tous points remarquable.