Plantez le décor au sein d'un pensionnat de jeunes filles du sud des États-Unis dans les années 1870, en pleine guerre de Sécession.
Introduisez-y un jeune soldat yankee, immobilisé car blessé...
C'est Amelia, 13 ans, qui découvre, à l'occasion d'une de ses escapades dans les bois, le caporal McBurney. Oubliant la couleur de l'uniforme du jeune homme (le frère d'Amelia, qui combattait dans le camp adverse, a péri sur le champ de bataille), elle se prend de pitié pour lui, et amène le loup dans la bergerie. Ce que nous allons peu à peu découvrir, c'est que la dite bergerie n'est pas peuplée que d'innocentes brebis...
En cette période fort mouvementée, le pensionnat n'abrite plus, y compris Amelia, sauvageonne animée d'un amour démesuré pour la nature, que cinq pensionnaires. Âgées de dix à seize ans, elles arborent des personnalités fort différentes. A la spontanéité et la malice de la toute jeune Marie s'oppose le sérieux et la rigidité d'Emily, adepte d'une discipline quasi militaire. Alice et Edwina, qui ont comme point d'avoir été quasiment abandonnées par des parents dont elles n'ont plus de nouvelles, ne sont pas proches l'une de l'autre pour autant. Toutes deux sont très belles, mais autant Alice sait jouer de sa blondeur faussement angélique, autant Edwina, d'une beauté ténébreuse et envoûtante, est une adolescente solitaire, qui cache sous ses airs revêches un manque d'assurance quasi maladif.
Pour gérer le pensionnat et ses jeunes occupantes, trois femmes : les sœurs Farnsworth -Harriet et Martha-, et Mattie, la vieille cuisinière noire. Martha est une maîtresse femme, autoritaire et efficace, qui traite avec condescendance sa soeur, dont elle méprise la faiblesse, notamment celle qui conduit Harriet à faire de fréquentes visite à la cave pour y subtiliser quelques bouteilles...
"Les proies" est un magnifique roman, noir et polyphonique, exprimant en alternance la voix de ces huit protagonistes féminines, amenant le lecteur à s'interroger à tout moment sur la subjectivité, voire la véracité, des faits relatés. A partir de l'intrusion dans leur univers de l'élément étranger que représente McBurney, l'atmosphère du lieu va peu à peu se parer de relents délétères... La présence du caporal, qui se révèle séducteur et beau parleur, suscite tentations et rivalités, réveille des désirs que l'isolement et la réclusion avaient étouffés sans les éteindre. Manipulation, chantage, certains des personnages dévoilent, sous leurs apparences d'innocence et de candeur, une propension à la perversité et à la cruauté glaçantes.
L'auteur prend son temps pour dérouler son intrigue, égrenant avec minutie le détail des événements, instillant lentement mais sûrement son poison. La tension, de même, prend progressivement son ampleur, et donne à ce quasi huis-clos une densité étouffante et sulfureuse.
A LIRE ABSOLUMENT !
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