Le discours de l’anti-méthode.
« Je pense donc je suis (aux abois) » pourrait ruminer Adrien, l’antihéros pointé du roman de Fabrice Caro. Adrien est sollicité par son futur beau-frère pour faire un « petit discours » lors du mariage de sa sœur. Timide au-delà du ridicule, Adrien sait qu’il est tombé dans une nasse, prompt à bafouiller, s’embrouiller et se mortifier en public ; il sent aussi qu’il se débat dans une impasse alors même que Sonia, sa promise, s’est carapatée sous le prétexte peut-être fallacieux de faire une « pause » dans leur couple. N’y tenant plus, Adrien lance à sa bien-aimée un SMS laconique, espérant une réponse qui tarde et le taraude. La torture mentale vrille de plus en plus Adrien qui décrit son quotidien et ses relations. De fil en aiguille, son passé et ses digressions apportent de l’épaisseur à sa situation présente.
Dans son remarquable roman tragi-comique à l’ancienne, respectant l’unité de temps, de lieu, d’action et de bienséance, Fabrice Caro reprend ses vieilles peurs et ses authentiques carences qu’il a pu développer avec intelligence, précision et humour dans ses multiples bédés demeurées longtemps confidentielles. D’une écriture fluide, l’auteur creuse son personnage, double affectif et le rend crédible. L’histoire déroulée, pourtant anecdotique en apparence, rend compte, avec finesse, autodérision et running gag à l’appui tout le mal-être d’un jeune homme laissé seul avec lui-même. Fabrice Caro maîtrise l’art de battre des cartes identiques et de servir un nouveau jeu, attrayant et touchant. Il panse (son vide existentiel) donc je le suis.
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