Un roman philosophique intense, totalement cérébral, à l'écriture fluide.

Comment rendre compte d'un roman si riche ? Je vais en laisser la moitié à côté et dire des bêtises.
Antoine Roquentin traîne son statut de rentier biographe ennuyé à la bibliothèque de Bouville, très agressé par la vue de la viande, des carcasses, des bourrelets rutilants de vie chez les personnes qu'il croise et avec lesquelles il n'a pas d'autres relations que le bonjour-bonsoir factice et désengagé. La Nausée monte, qu'il ne sait pas analyser. La seule chose qui l'en sort est un air de jazz... Il croisera un Autodidacte humaniste piteux, un ex embourbée dans la même problématique que lui mais décidée à ne pas faire équipe, et... eh bien, c'est tristement tout.

Ce sentiment d'existentialité, chez Sartre, dont j'ai lu pourtant d'autres ouvrages, je le croyais beaucoup plus pur, dégagé des scories des contingences et de tout transcendance. Plusieurs fois, en lisant, j'ai eu l'impression que ça n'était pas le cas, qu'il y avait comme une faille. Je n'aurais pas appelé existentialisme cette conscience d'être en vie et en (triste) chair et en même temps vide ; ça me fait penser à un recyclage de l'inusable Spleen, de l'Ennui... Je veux bien croire qu'il fasse un énorme clin d'oeil en écrivant par exemple "ils se sont lavés du péché d'exister", mais c'est troublant. C'est sûrement cela qui rend le roman assez captivant, complexe, touchant.

Antoine Roquentin, trente ans, après avoir voyagé autour du monde, prend conscience de l'existence des choses autour de lui et des êtres qui le cotoient et qui ignorent qu'ils existent. Et il se rend compte qu'il est "de trop".

C'est un livre que j'ai lu il y a très longtemps et jamais relu depuis. Je l'ai trouvé extrèmement bien fait. Il commence de façon anodine et banale et peu à peu la nausée s'installe. C'est en tout cas ce que j'ai ressenti, au point de penser qu'il ne m'en faudrait pas beaucoup plus pour songer au suicide (à l'époque). J'ai d'ailleurs demandé à mes filles d'attendre pour le lire.
Après cette lecture éprouvante, je l'ai oublié et j'ai voulu l'oublier. Je ne peux en dire plus que ce qui précède.
Toutefois, un jour (une vingtaine d'années après l'avoir lu), je me suis trouvée, dans le métro, à côté de quelqu'un qui lisait un livre dont je ne voyais pas le titre. J'en ai lu quelques lignes (ce n'est pas bien mais je ne peux m'en empêcher) et je me suis dit "C'est la nausée". Ce que j'ai vérifié quand mon voisin, au terme de son voyage, a fermé le livre. J'en ai déduit que ce livre m'avait plus marquée que je ne le croyais.
En conclusion ce livre est pour moi un chef d'oeuvre (d'où la note que je lui ai mise, mais ce n'est pas un coup de coeur, loin de là) mais dont je ne recommanderais la lecture à personne, surtout pas à un adolescent.