Suzanne, son frère Joseph et leur mère vivent, ou plutôt survivent, dans une petite concession incultivable de l’Indochine, sur les bords du Pacifique. Dans ce coin perdu, sans ressources, leur seul délassement est d’aller parfois à la ville, à une heure de route, pour danser, boire et rencontrer les rares gens de passage.
J’avais déjà lu ce roman il y a quelques années et je l’ai relu, d’abord un peu à contrecoeur, et puis finalement avec plaisir.
Duras exprime la misère sans pudeur, voire avec une certaine ostentation ; on se la prend en pleine face, on ne peut pas y couper. La vie de la mère est pitoyable, dans les deux sens du terme. Quant à M. Jo, le riche héritier qui courtise Suzanne, il a beau être plein aux as, il fait pitié. Les héros n’ont que mépris pour lui ; le narrateur, et donc le lecteur entraîné avec lui, est plutôt de son côté, ne comprenant pas ces gens qui rient malgré leur malheur, toujours cyniques. Du coup, on est plutôt condescendant envers ce pauvre type…
Le ton est souvent amer, désabusé, surtout pour évoquer l’imposture coloniale et les drames qu’elle provoque. On hésite : est-ce totalement noir ? Ou la fraîcheur de Suzanne, qui ressemble diablement à Marguerite, apporte-t-elle la touche d’espoir qui permet d’aller quand même de l’avant ?
Cette histoire forte est servie par l’écriture particulière de Duras. Le style n’est pas encore totalement haché comme il le deviendra dans ses autres œuvres ; c’est le roman de la transition, écrit au début de sa carrière, où elle a une écriture parfois encore assez classique, mais déjà bien tranchante par moments.
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