Voici Jean-Pierre Otte rempli de son jardin. Il observe et imagine la vie amoureuse des fleurs à travers des chapitres courts, avec une écriture chantournée, des phrases déliées. L’orchidée abeille leurre le faux bourdon qui : « la grimpe, l’agrippe, la frotte au flanc, s’enfonce dans la fourrure douce et brune… il tente l’accouplement en procédant par mouvements brefs, saccadés… Au gré de ses ébats, il ne réussit qu’à se barbouiller toujours davantage de pollen… Il s’en repart, effarouché, frustré et encore excité. » Ensuite viennent les amours de la violette : « Dans le secret du bouton, dans l’étreinte de soi, la violette opère délicatement la fusion féconde de ses parts opposées » ; ceux de la primevère, du muscari, de la passiflore, de l’iris, de l’arum… Puis, dans la seconde partie, les insectes prennent la relève avec la cigale, l’iule, le carabe doré, le ver luisant, l’araignée, le phasme. Enfin, les gastéropodes (escargot, limace) et l’orvet constituent à eux seuls de courts chapitres. Tout un menu peuple, totalement invisible ou seulement entrevu en temps ordinaire, défile en prenant son temps sous la plume stylée de l’écrivain. Il était logique que Jacques Lacarrière, l’homme souche qui imaginait le Pays sous l’écorce, rédige la préface. Dans sa lente hâte, il s’embrouille un peu les crayons et confond la voyance et la vision. Pour un poète, ce n’est pas bien vu. Chez les citadins pressés, ce livre risque d’avoir l’effet d’une tisane, avec somnolence à la clé ; chez les lecteurs de La Hulotte, L’amour au jardin est un complément idéal qui tend une passerelle entre l’observation naturaliste et la rêverie poétique par le pouvoir évocateur des mots.
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