[La trilogie de Bartiméus. T.3, La Porte de Ptolémée | Jonathan Stroud]
Après L'Amulette de Samarcande et L'Oeil du golem, La Porte de Ptolémée vient refermer la trilogie de Bartiméus. Si l'auteur sait dénicher les titres de ses oeuvres, il reste incapable d'intituler ses chapitres. La construction de l'histoire est pourtant habile puisque le passé s'entrecroise au présent, que Kitty Jones entremêle son récit à ceux de Bartiméus le djinn et Nathaniel le magicien et qu'enfin les portes de l'Autre lieu s'ouvrent. La lecture ne s'éparpille pas pour autant. L'intrigue tendue est plus solide qu'un fil d'Ariane. Le lecteur apprend rapidement qui tire les ficelles et son souci est de savoir comment les protagonistes vont s'en sortir. La grande trouvaille du dernier volume va consister à intégrer des démons dans des corps humains, djinn, afrit, marid et même une essence supérieure telle Nouda : "Nouda est une entité terrible, une des plus effrayantes qu'on ait répertoriées." L'auteur démoniaque a possédé le lecteur davantage habitué à des dénouements heureux et conventionnels. Quand Bartiméus reprend la parole à la toute fin de la trilogie sur un ton goguenard, on sait qu'il partage son esprit avec celui de Nathaniel. En dépit de la menace colossale représentée par Nouda, le djinn narrateur est bien vivant, le magicien hôte aussi. Lorsque les trois lettres du mot "FIN" s'inscrivent, par un ultime tour de passe-passe, Jonathan Stroud assomme son lecteur. La logique de l'histoire est implacable. La fin a sonné, dans tous les sens, et continue à résonner, le livre refermé. Quelle perversité ! Qui est le démon, Stroud ou Bartiméus ? Si l'auteur oublie de s'oublier dans des descriptions de paysages lassantes et inutiles (à l'inverse de Jack Vance, par exemple, où les paysages exotiques évoqués engendrent un climat en rapport avec l'action à venir), Jonathan Stroud excelle à construire crescendo des scènes d'action. Le lecteur croit avoir atteint un sommet alors qu'il n'est arrivé qu'à un palier. Les personnages sont malmenés à l'extrémité de l'endurance. Le lecteur est amené à rire nerveusement tellement les scènes de grand-guignol sont grinçantes et sardoniques comme celle avec Honorius, l'afrit, squelette dément, meurtrier insatiable mais poli jusqu'à l'onction extrême.
La trilogie de Bartiméus se lit bien. Il aurait simplement fallu dégraisser 200 pages par volume afin d'atteindre l'os de l'histoire sans avoir à ronger son frein. A la place de 1 800 pages, on obtenait 1 200 pages, les descriptions et les commentaires de Bartiméus allégés, trois fois moins de matière crade. On peut aussi envisager la trilogie comme une quête d'amour et de reconnaissance perdue d'avance. Les personnages perclus d'ambition et d'idées fixes oublient de vivre. Seule la synthèse de deux êtres procure une vitalité et un appétit de vie incomparable mais la fusion reste précaire, aléatoire et de courte durée. On découvre donc un conte de fée moderne qui ne débute pas par : "Il était une fois" et ne se termine pas par : "Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants". Tous les ingrédients du merveilleux s'y trouvent (quête chevaleresque, épée magique, monstres, pièges...) mais les rouages de l'histoire se grippent, le moteur de l'intrigue a des ratés car les personnages ne savent pas s'exprimer et n'ont plus le temps de communiquer. On touche bien là un des maux contemporains.
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