Faire la critique d'un livre de Michel Serres est une gageure. Sa pensée est fluide et échappe sans cesse à qui veut la saisir d'un bloc et bien fou celui qui veut tenter de la résumer, de la réduire à quelques formules. Il faut plutôt s'imprègner de ce qu'il dit, sentir les resonnances que son récit (oui, ce mot convient mieux qu'"essai") évoquent en soi. C'est une pensée non-déclarative et plus proche de l'algorithmique selon une comparaison qu'il établit vers la fin de l'ouvrage. Malgré tout tentons de donner un aperçu de la thématique du livre.
Le titre "Rameaux" évoque les mille ramifications du savoir. Un rameau est une bifurcation entre un tronc solide mais vieillissant et une nouvelle pousse. La ramification est nécessaire sinon c'est la sclérose. Mais pour autant c'est tout de même le vieux (le troc, la branche) qui porte et fabrique le rameau. Le livre évoque donc plusieurs type de ramifications, dans les sciences, dans l'histoire (de l'Univers, du non-vivant, du vivant, de l'homme, cet enchainement que Michel Serres appelle le Grand Récit), dans la philosphie aussi. Une partie du livre est étonamment consacrée à Saint-Paul, héritier de 3 sagesses-tronc, le judaisme, la philosophie grecque, l'efficacité romaine, et qui va lancer un nouveau rameau très différent de ces 3 là : le christianisme.
Pas de vérité assénée dans ce livre, aucune certitude mais des pistes pour mieux comprendre notre monde, des incitations à croiser les savoirs, à les cross-fertiliser. Pratiquement pas d'excommunication, ce n'est pas le style de Serres qui rappelle souvent la faiblesse de sa pensée comparée à l'univers, se mettant volontiers dans la descendance d'un Montaigne ou d'un Pascal. Descartes reçoit cepandant quelques taloches pour son cogito qui oubliait un peu trop que l'homme était fils de la Nature et puis les créationnistes, décidément accochés à leur arbre dont ils refusent de descendre.
Serres plaide pour une vie qui prend des risques, qui ose, qui explore mais sans orgueil, sans fanfaronnade. La vie est bien plus forte que nous, comme la mer est plus forte que le marin. On peut y habiter, tenter de gouverner (son bateau, notre société, son existence) mais en conjugant prudence, audace et connaissance, toujours plus de connaissance !
J'en etais certain, en tentant de résumer cette pensée complexe et féconde, je l'ai hélas ramenée à quelques lieux communs. Pourtant Serres est une lecture passionnante et l'on aimerait en garder, après avoir fermé le livre, quelques eclats de sagesse.
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