D abord une belle photographie de Jack London sur la couverture du livre ; et puis le souvenir de " Croc blanc" qui m avait été offert , dans la collection de la "Bibliothèque verte" , et que je n avais jamais lu parce que je considérais, à l époque, London , comme un écrivain " pour la jeunesse" ; je devais avoir... 12 ans...
" Martin Eden " n est pas un livre pour la jeunesse, du moins pas pour celle idéalisée, en culotte courte et blouse grise, dont " Les choristes" ont titillé récemment la nostalgie. Dans ce roman, sorte d auto-fiction avant la lettre , London règle des comptes ; Martin c est Jack , enfant des bas-fonds de San Francisco, abandonné par les parents , par la societé, par la culture et qui découvre, fasciné, le monde scintillant et tellement rassurant de la bourgeoisie ; un monde tellement "cultivé" que Martin n aura de cesse d essayer de s y introduire en copiant les " bonnes manieres" et les codes de cette société . D autant qu il tombe fou amoureux d une fille de bonne famille, et que le peu de vernis littéraire qu il possede fait pale figure en face d une licenciée es-lettre !
Pour conquérir sa Dulcinée , Martin décide de forcer le destin et de combler en quelques mois le fossé culturel qui sépare un membre de la "working class" de l emblématique descendante d une lignée trés "WASP" ...
Aux yeux de Martin ( de Jack ...) seul le succes littéraire, apportant avec lui reconnaissance et ... dollars, peut lui ouvrit les portes de la Reconnaissance .
L épreuve sera rude : vache enragée,famine, fréquentation récurrente du Mont de piété, mépris, incompréhension de la famille... Martin résiste, se bat ; il veut étre écrivain, il veut étre reconnu et pouvoir enfin intégrer le paradis ....
Et c est au moment ou ses textes commencent a connaitre le succes, et a rapporter des dollars, que Martin baisse sa garde, exténué par l effort donné, par la perte de son amour qui a préféré le conformisme au "génie", par les mesquineries de ses contemporains ...
Riche et désabusé il largue les amarres, au propre comme au figuré puisqu il fut marin, en choisissant de rejoindre une ile des mers du sud, anticipant Gauguin ou Brel, pour se contenter simplement de regarder la vie s écouler...(tout à fait la chanson "Les Marquises" de J. Brel ! ) ; mais meme ça, regarder la vie s écouler, lui est insuportable, au cours du voyage il choisi de mettre un terme a une existence dont il ne peut plus supporter l absurdité ; car comme il le dit obsessionellement : " J avais déjà tout écrit" . Ne comprenant pas la différence de traitement que l intelligensia lui avait réservé entre l avant et l aprés du succés ...
Réconcilié avec lui mème, il se laisse engloutir par la mer chaude, retour au commencement, dissolution dans le grand Tout, tout ce qu on voudra...
Grand bouquin ! trés dense, brassant beaucoup de concepts , un peu fou, parfois étonnament naif, mais c est l époque, un peu manichéen (bourgeois =mauvais) , d ou seulement 3 étoiles, mais dernieres pages sublimes sur le désir de disparaitre, sur le dégout de la vie, on pense à Cioran ,à Léopardi, aux romantiques allemands,rien que pour ces 20 pages , lire ce livre d un soi disant "auteur pour la jeunesse".
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]
Afficher toutes les notes de lectures pour ce livre