Quand, après six mois de gestation, la nouvelle Hulotte atterrit enfin dans ma boîte aux lettres sous son fin placenta de plastique, je sais qu'une nouvelle naissance m'attend au mitan du printemps. Une fois de plus, je vais poser un regard émerveillé et neuf sur la nature mise à nu sous le fin stylet d'encre du grand maître Pierre Déom. Un triton crêté femelle, oriflamme flambant jaune, orne la couverture du numéro 89 de La Hulotte consacré entièrement aux aventures de Newton le Triton. Les cent jours de l'année passés dans une mare ou un simple trou d'eau ont valu aux tritons le nom vernaculaire de garde-fontaine. Leurs queues plates comme des rames les distinguent des salamandres avec leurs queues rondes comme des perches. L'uniforme du garde-fontaine lors des parades amoureuses peut aller du rouge vermillon au jaune d'or, de l'orange au vert prairie ou au noir en fonction des cinq espèces de triton présentes en France. Newton se dandine dans la partie la plus claire, au fond de la mare, afin d'être bien vu par les femelles intéressées. Il balance au nez de sa partenaire des phéromones : "La femelle commence à se sentir extraordinairement excitée : elle avance comme un automate en direction du mâle, tout en fixant avec des pupilles hébétées le petit bout de mouchoir qui s'agite devant elle". C'est Le jeu de l'éventail. Reste à découvrir au fil des pages Le secret de la valise blanche, l'Opération "matin de Pâques". S'ensuivent Les malheurs de Pépioule. Sur 200 oeufs pondus, seuls six ou sept vont donner le jour à des bébés tritons. L'oeuf est transparent. On peut voir au travers les métamorphoses du tout jeune triton. Une pépioule sur dix atteindra l'adolescence. Les poissons comptent parmi ses plus grands prédateurs. Après quatre mois, le triton nanti de poumons oubliera ses branchies et pourra sortir de la mare à la fin de l'été. Les informations contenues dans les cinquante pages format A2 constituent une véritable mine : le triton se couvre d'une pluie de gouttelettees de venin ; il peut se fabriquer un oeil avec tous les nerfs qui vont avec, se bricoler une nouvelle patte, refaire une partie de son museau, remplacer un morceau de crête ou de queue arraché. Savoir qu'un vulgaire point d'eau dans le Cotentin peut abriter ensemble les cinq espèces de triton laisse flotter un sourire rêveur. On côtoie des merveilles qu'il est possible d'ignorer toute sa vie. Cela peut laisser pantois ou simplement indifférent. Un petit guide à la fin permet de différencier le triton ponctué du triton palmé, alpestre, crêté et marbré. Newton président, je ne sais pas mais Déom grand écarquilleur de mirettes, alors là, je dis oui !

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